Google s'en mêle

LE DIRECTEUR de la clinique* tombe des nues. Il vient de prendre connaissance de deux avis d'internautes anonymes déposés sur Google Maps pendant l'été. Son établissement est stigmatisé par un proche d'une personne décédée d'une infection nosocomiale tandis qu'un autre se fait l'écho de «soins déplorables». Qui tape le nom de la clinique dans la fenêtre de recherche obtient le plan d'accès… et les avis. «Je suis décontenancé, avoue le directeur, nous sommes un petit établissement et notre juriste nous dit qu'il est difficile de réagir. On se sent impuissant et on subit sans pouvoir même identifier les auteurs. C'est dans l'air du temps que de laisser les gens s'exprimer, mais à qui peut servir un avis qui est de l'ordre de l'émotionnel sans rien de précis? Je vais alerter les fédérations hospitalières.» Le centre d'IRM voisin, qui se trouve amalgamé dans la même série tout en bénéficiant d'un avis à cinq étoiles, s'inquiète lui aussi et se reproche d'avoir complété sa fiche avec ses horaires. «Je voudrais que l'on nous retire de Google Maps, mais je ne sais pas comment faire.»

Pour le moment, il y a encore peu d'avis de cette nature sur Google Maps. Une dame se plaint de n'avoir pas perdu de poids comme le médecin le lui avait promis, une autre se félicite des bonnes conditions de son accouchement, un internaute déplore avoir attendu aux urgences ou signale que le numéro du standard est faux. Sur l'Hôtel-Dieu de Paris, on trouve 34 avis en anglais… concernant un hôtel ! C'est donc encore un peu la pagaille. Mais il suffit d'un clic pour donner un avis sur un médecin ou un pharmacien.

Les internautes peuvent dire si l'avis leur semble utile (oui/non) et peuvent aussi signaler « un non-respect du règlement » mais le type d'infraction se limite à : un spam, un contenu protégé par des droits d'auteur, un contenu illégal, l'incitation à la haine ou à la violence, autres… C'est un peu court. Rien n'est rappelé sur la protection des données personnelles.

L'Ordre alerté.

Alors que, en avril dernier, not2bib, le site de notation de médecins, avait mis fin à ses activités (« le Quotidien » des 19 mars et 4 avril), en raison notamment de l'impossibilité d'identifier les auteurs de contributions, d'où un manque de crédibilité des avis, Google se lance dans une opération similaire.

Le Conseil national de l'Ordre des médecins, qui s'était interrogé à l'époque sur la validité et la pertinence d'une telle notation, compte bien repartir à la charge. «Nous allons contacter Google France pour les rencontrer, souligne le Dr Jacques Lucas, son secrétaire général, car les louanges excessives sont aussi inappropriées que les massages mal intentionnés livrés au public sans garantie sur l'expéditeur.» La Haute Autorité de santé, chargée de la labellisation des sites santé, est aussi concernée. Quant à la CNIL (Commission nationale informatique et libertés), qui surveille toujours not2be, le site de notation de professeurs, jugé illégitime dès lors qu'il délivre des données à caractère personnel, elle devrait se positionner dans la première quinzaine d'octobre et rappeler que le droit d'opposition et de rectification doit être respecté.

* Pour éviter de faire de la publicité à Google Maps, nous avons préféré ne pas donner les références de l'établissement.