Crépitants à droite
Le reste de l’examen clinique permet de découvrir des crépitants prédominants de la partie moyenne du champ pulmonaire droit. Une radiographie objective une opacité du champ pulmonaire droit. Un scanner thoracique est alors effectué ( cf. cliché 3).
Parallèlement, on note un aspect très particulier des doigts de ce patient ( cf. cliché 2).
Questions
Quelles analyses donnez-vous de ces différentes anomalies?
1) L’observation de la radiographie du genou gauche permet de mettre en évidence une réaction périostée de la corticale du tibia.
2) Au niveau des doigts, il existe un aspect boudiné. Les ongles sont bombés (« en verre de montre »). Ces éléments donnent l’aspect classique de « baguettes de tambour ».
3) Le scanner pulmonaire retrouve une lésion tissulaire hypodense hétérogène de 3 cm sous hilaire droite semblant se développer aux dépens de la lobaire inférieure. Compte tenu de cet élément, une fibroscopie a été réalisée ; l’analyse anatomopathologique permet de conclure à l’existence d’un adénocarcinome pulmonaire.
Est-il possible de proposer un diagnostic expliquant l’ensemble de ces éléments?
Les différentes anomalies nous conduisent au diagnostic d’ostéoarthropathie hypertrophiante pneumique (Oahp) de Pierre Marie.
L’Oahp
Cette entité a été décrite en 1880 par Pierre Marie. Quatre-vingt-quinze pour cent des ostéoarthropathies sont secondaires à une étiologie intrathoracique :
– dans 80 % des cas, un cancer broncho-pulmonaire primitif ;
– dans 15 %, une autre lésion intrathoracique : mucoviscidose, cardiopathie cyanogène, lymphome, suppuration chronique, métastases, pleurésie purulente, tuberculose pulmonaire excavée, dilatation des bronches ;
– dans 5 %, il s’agit d’une cause extra-thoracique : recto-colite ulcéro-hémorragique, polypose colique, cirrhose biliaire primitive, cancer du cavum. L’existence d’atteintes extrathoraciques (aussi rares soient-elles) remet en question l’épithète classique « pneumique » proposé par Pierre Marie.
En outre, une affection génétiquement de transmission dominante de sévérité plus importante chez les hommes, la pachydermopériostose, ressemble étroitement à l’Oahp. Son expressivité reste variable et l’apparition des manifestations osseuses est mise en évidence dès la puberté.
Aspect clinique
L’Oahp s’observe presque toujours chez l’homme. Les déformations distales sont très particulières et permettent d’effectuer le diagnostic au premier coup d’oeil.
Aux mains, on note l’existence d’un hippocratisme digital associé à une hypertrophie des doigts, des mains et des poignets (bilatérale et symétrique).
L’ongle est incurvé dans les deux sens (surtout au niveau longitudinal). Il s’y associe une hypertrophie en masse de la phalangette qui donne au doigt l’aspect de « baguette de tambour ». Les doigts sont boudinés, les articulations métacarpo-phalangiennes, noueuses, les poignets s’épaississent à la hauteur des épiphyses radiale et cubitale.
Les anomalies des pieds sont superposables à celles des mains.
Les genoux peuvent être augmentés de volume et le siège d’un épanchement. Les déformations articulaires apparaissent progressivement.
Souvent, la raideur et la douleur articulaires sont les premiers motifs de consultation.
Enfin, il est possible d’observer une gynécomastie. La pachydermopériostose ne présente pas ces caractéristiques cliniques, même s’il semble que la première description de l’Oahp par Pierre Marie soit en fait une pachydermopériostose. La pachydermopériostose est, en effet, une maladie héréditaire et familiale, avec des déformations s’installant dès la puberté. Radiologiquement, les lésions sont différentes : les gaines osseuses se fondent souvent à l’os ancien, donnant un aspect d’épaississement, et non, comme l’Oahp, de manchon ( cf. aspect radiologique de l’Oahp).
Les douleurs sont très inconstantes ; des arthrites sont parfois observées. Il existe de plus un aspect très particulier du visage, qui apparaît creusé de rides profondes, surtout visibles au niveau du front. Ces rides, associées à un épaississement des paupières, donnent un aspect prématurément vieilli et soucieux du patient. L’examen clinique et radiologique du thorax est normal.
Aspect radiologique
Trois aspects radiologiques peuvent être observés dans l’Oahp :
– une hypertrophie uniquement des parties molles ;
– une excroissance des houppes phalangiennes (formes récentes) ;
– une acro-ostéolyse (formes anciennes).
La synovite des articulations est souvent asymétrique et peu spécifique. Les appositions périostées affectent de manière bilatérale et symétrique les os de l’avant-bras, des jambes, des métacarpiens, des métatarsiens, des deux phalanges proximales. Ces appositions périostées sont des ostéophytoses sous-périostées engainantes diaphysaires, se terminant au niveau de la métaphyse et respectant l’épiphyse.
La scintigraphie objective précocement une hyperfixation « en bande » des corticales diaphysaires et métaphysaires.
Traitement
Le traitement de l’Oahp est celui de l’affection causale.
Bibliographie
X. Chevallier, R.-M. Flipo, P. Goupille, T. Schaeverbeke, J. SibiliaI.
Rhumatologie. Editions Masson, 2002.
P. Godeau, S. Herson, J.-C. Piette. Traité de médecine. Editions Flammarion Médecine-Science, 2004. J.-D. Laredo, G. Moervan, M. Wybier. Imagerie ostéo-articulaire.
Editions Flammarion Médecine-Science, 1998.
H. Nahum. Traité d’imagerie médicale. Editions Flammarion Médecine-Science, 2004.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature