S'IL N'EST qu'un film à voir, ce doit être « Gomorra », de Matteo Garrone, 40 ans. Gomorra comme Gomorrhe, la cité du péché dans la Bible, mais aussi comme Camorra, le système mafieux qui règne sur Naples et la Campanie et, en trente ans, a tué 4 000 personnes. Le réalisateur s'est inspiré du livre du même titre de Roberto Saviano (Gallimard), jeune historien et journaliste si bien informé qu'il doit vivre sous protection policière.
Avec ses nombreux personnages (cinq histoires croisées) et son montage serré, le film rend compte de quelques-unes des principales activités de la Camorra : la drogue, bien sûr (dans le quartier de Scampia, dans la banlieue de Naples, un seul clan fait un bénéfice de 500 000 euros par jour), mais aussi le trafic de déchets toxiques, avec des conséquences désastreuses pour la santé des habitants des environs, ou la mode et la contrefaçon, sans oublier naturellement l'extorsion de fonds et le crime pur et simple. Ces multiples secteurs expliquent que des milliers d'hommes et de femmes, de jeunes surtout, soient dépendants de ce pouvoir criminel.
« Gomorra » montre bien cet embrigadement auquel il est difficile d'échapper. Les jeunes ne connaissent que la violence pour devenir quelqu'un et se faire respecter. Ils ont vu aussi, comme tout le monde, les films hollywoodiens sur la mafia et rêvent de jouer les Scarface (d'où un savoureux duo tragi-comique).
L'intelligence de Garrone est de mêler réalisme et suspense, sans négliger la psychologie et sans complaisance dans les scènes sanglantes. Tous les personnages principaux sont intéressants, tous ont leur humanité. Et si le constat – l'impuissance à lutter contre un système aussi organisé –, est plutôt désespérant, le film est passionnant.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature