Rimactan en 1970, Parlodel en 1978, Sandimmun en 1984, Sandostatine en 1991 et Visudyne en 2001 avaient précédé Glivec dans la liste des lauréats du prix Galien. Ce rappel effectué par M. Eric Cornut, président de Novartis France, souligne la capacité d'un laboratoire qui consacre près de 2,5 milliards d'euros à la Recherche et au Développement et qui emploie plus de 2 700 chercheurs sans compter de très nombreuses alliances externes.
M. Eric Cornut précise d'ailleurs que Novartis pourrait bien postuler dans l'avenir pour obtenir d'autres prix Galien : cinquante projets sont actuellement en cours de développement chez Novartis dont vingt-huit en phase III et certaines de ces molécules sont fortement innovantes.
Cap sur la génomique fonctionnelle
Comme l'a souligne le Pr Paul Herrling, directeur de la recherche de Novartis International, une grande partie de cet effort de recherche porte aujourd'hui sur la génomique fonctionnelle, ce qui a impliqué un reformatage complet du processus de recherche (Drug Discovery Center). Il faut savoir, en effet, que même si l'organisme ne compte que quelque 30 000 jeunes, ces gènes codent pour 300 000 protéines, ces dernières, par le jeu des dimensions tridimensionnelles et des recombinaisons aboutissant à un accroissement exponentiel des cibles pharmacologiques. On doit donc mettre en œuvre toute une série de technologies, et même de métiers différents, afin d'aboutir à une génomique fonctionnelle. Celle-ci utilise l'informatique, les puces d'ADN, les anti-sens, la protéinomique et même des modèles animaux car, fort heureusement, certains gènes de l'homme peuvent être retrouvés et étudiés chez l'animal.
L'enjeu est de taille, conclut le Pr Herrling, car la génomique fonctionnelle peut faire passer du traitement symptomatique de certaines maladies à un traitement causal et/ou modulateur, Glivec étant une première illustration de cette démarche.
La formidable histoire de Glivec
Glivec est en effet le produit de deux découvertes majeures : tout d'abord la mise en évidence, chez 95 % des malades atteints de leucémie myéloïde chronique, d'une translocation chromosomique qui fait qu'un fragment de gène du chromosome 9 (abl) se fixe sur le chromosome 22, alors que la partie distale du chromosome 22 (le gène bcr) va se fixer sur le chromosome 9. Le résultat de cette translocation réciproque est la formation du chromosome dit de Philadelphie et d'une protéine de fusion anormale, bcr-abl, qui va entraîner toute une cascade d'activation de kinases et, in fine, une production massive de leucocytes.
Parallèlement, les chercheurs de Novartis - qui, depuis longtemps, recherchaient des molécules capables d'inhiber les protéines à activité tyrosine kinase - avaient découvert l'imatinib qui s'est révélé être le premier inhibiteur spécifique de la tyrosine kinase bcr-abl.
Les premiers malades sont traités aux Etats Unis en 1998 et, très vite, ès cliniciens sont frappés par l'importance des réponses cliniques hématologiques et cytogénétiques.
Le Dr Alex Matter, qui est l'un des inventeurs de l'imatinib et qui dirige la recherche Novartis Oncologie, rappelle que le taux de réponses hématologiques est supérieur à 90 % dans les formes chroniques, de 70 % dans les phases accélérées et encore de 31 % dans les crises aiguës blastiques ; les réponses cytogénétiques sont respectivement de 60 %, 25 % et 15 %. Des pourcentages qui n'avaient jamais été atteints notamment dans les formes aiguës et qui expliquent le développement très rapide de Glivec. Glivec n'a pas livré encore toutes ses potentialités : on sait déjà qu'il est plus actif quand le traitement est précoce mais on étudie encore des associations capables de potentialiser ses effets. Par ailleurs, Glivec agit aussi sur deux autres types de tyrosine kinase, en particulier sur le produit du proto-oncogène C-KIT, présent dans différents types de cancers et notamment des tumeurs stromales digestives : des résultats cliniques très positifs ont été enregistrés dans ces types de cancers avec, pour le moins, 38 % de réponses partielles et 43 % de stabilisations.
Si Glivec n'a pas dit son dernier mot, cette première illustration de médicaments ciblés sur des objectifs génétiques devrait connaître beaucoup de descendants, y compris dans le traitement de la LMC mais aussi dans beaucoup d'autres indications.
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