C'est une destinée inhabituelle que récompense le prix Galien 2002, celle de Glivec des Laboratoires Novartis. Destinée faite à la fois d'une approche thérapeutique révolutionnaire ; d'une indication, pour l'instant, dans une affection certes peu fréquente mais redoutable, la leucémie myéloïde chronique (LMC) ; et d'une utilisation en clinique dans des délais accélérés.
L'histoire de l'imatinib remonte aux années quatre-vingt-dix quand un chercheur des Laboratoires Ciba-Geigy, Elisabeth Buchdunger, concentrait son activité sur des molécules capables d'inhiber des protéines à activité tyrosine-kinase de manière ciblée. C'est elle qui met au point l'imatinib mesylate, une 2-phénylaminopyrimidine qui se fixe sur les sites ATP de la protéine leucémique en cause dans les LMC. Une telle avancée n'échappe pas à Brian Drucker, aux Etats-Unis, qui montre que la molécule inhibe, in vitro, sélectivement les cellules anormales portant le chromosome Philadelphie (ou gène BCR-ABL). Le chercheur persuade les Laboratoires Novartis de poursuivre le développement de cette molécule.
Un bref rappel sur l'origine de la LMC est ici indispensable pour comprendre toute l'originalité de Glivec. La LMC est le premier cancer pour lequel une anomalie génétique a été identifiée : le chromosome Philadelphie. Il met en jeu les chromosomes 9 et 22. Tous deux se scindent en un endroit précis de leur séquence et échangent leur matériel génétique. Cette translocation aboutit à la formation d'un nouveau gène, né de la fusion des gènes ABL et BCR. L'anomalie déclenche la LCM.
L'imatinib agit à ce niveau. Il inhibe de manière compétitive le site de liaison de l'ATP du domaine tyrosine-kinase de la protéine BCR-ABL. Le site de la fixation de l'ATP bloqué, la phosphorylation des protéines ne peut s'effectuer. La prolifération cellulaire est inhibée et les cellules porteuses du chromosome Philadelphie détruites par apoptose. Ce mode d'action a fait dire au Pr François Guilhot (président du groupe français de la LMC) que « pour la première fois, on a inventé un médicament "intelligent". L'imatinib mesylate agit de manière très ciblée ».
Un tel mode d'action explique la précision, la spécificité d'action et le profil de tolérance favorable du médicament : une destruction des cellules leucémiques sans effets délétères sur les cellules saines. Après tout est allé très vite.
En juin 1998, une étude de phase I est lancée afin de déterminer la dose adéquate et d'évaluer le profil de tolérance de Glivec.
Un an plus tard, en juin 1999, puis en décembre, trois études de phase II portant sur les trois stades évolutifs de la LMC sont mises en place.
En juin 2000, une étude de phase III comparant l'imatinib à l'interféron alpha associé à la cytarabine est également instaurée chez des sujets atteints de LMC nouvellement diagnostiquée. A la même époque, face à l'urgence du besoin médical, un programme d'études sur les trois stades de la maladie est lancé.
Devant des taux de réponse hématologiques proches de 90 % en phase chronique, l'enregistrement de Glivec est décidé, sur la base des résultats des études de phase II, sans attendre ceux des phases III.
Trois ans et demi, à peine, après les premières inclusions, l'imatinib a reçu une autorisation communautaire européenne de mise sur le marché le 7 novembre 2001 en « Traitement de la leucémie myéloïde chronique à chromosome Philadelphie (BCR-ABL) positif en phase chronique, après échec du traitement par l'interféron alpha, ou en phase accélérée ou en crise blastique ».
Le Prix Galien 2002 : Glivec et l'Institut de recherche international Servier
Glivec et la leucémie myéloïde chronique : une histoire hors du commun
Publié le 11/03/2002
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Dr Guy BENZADON
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Source : lequotidiendumedecin.fr: 7084
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