De notre correspondante
à New York
Affection fréquente de l'œil, le glaucome est caractérisé par une dégénérescence progressive du nerf optique et la perte, dans un premier temps, de la vision périphérique. Soixante-six millions de personnes dans le monde en souffrent, et le glaucome évolue vers une cécité bilatérale chez plus de 6 millions d'individus. C'est la seconde cause de cécité chez les Caucasiens, après la cataracte.
La forme la plus courante est le glaucome à angle ouvert. Les deux autres formes sont le glaucome à angle fermé et le glaucome congénital.
Le glaucome est une affection génétiquement hétérogène. Huit régions chromosomiques ont déjà été liées au glaucome, et deux gènes ont été identifiés : le gène CYP1B1, codant pour l'enzyme cytochrome P4501B1, est muté dans environ 85 % des cas de glaucome congénital ; le gène MYOC, codant pour la myociline, est muté dans la forme juvénile du glaucome à angle ouvert.
Le Pr Mansoor Sarfarzi (University of Connecticut Health Center, Farmington) et son équipe, découvreurs du gène CYP1B1 de la forme congénitale, ont maintenant identifié un gène dont la mutation est responsable de nombreux cas de glaucome à angle ouvert débutant chez l'adulte.
Une famille à transmission autosomique dominante
Rezaie, Sarfarazi et coll. ont tout d'abord conduit une étude de liaison génétique dans une grande famille chez laquelle le glaucome, transmis selon un mode autosomique dominant, est lié à un locus sur le chromosome 10 p14 (locus GLC1E). Après avoir réduit la région critique à une longueur de 5 centimorgans, et éliminé quatre autres gènes, les chercheurs ont découvert, chez les membres affectés, une mutation faux-sens dans le gène OPTN (précédemment appelé FIP2 et NRP, et rebaptisé OPTN par les chercheurs, pour optineurine ou « Optic Neuropathy Inducing »).
Ils ont ensuite étudié 54 autres familles affectées de glaucome à angle ouvert, autosomique dominant, et présentant, pour la majorité d'entre elles, une tension intraoculaire normale (inférieure ou égale à 22 mmHg). Ils ont ainsi découvert la même mutation faux-sens (E50K) dans sept autres familles, ainsi que deux autres mutations du gène OPTN dans deux autres familles.
Leurs résultats suggèrent que des mutations du gène OPTN pourraient être responsables de 16,7 % des formes héréditaires de glaucome à tension normale. Il ont aussi découvert qu'une 4e mutation (M98K) pourrait représenter un « facteur de risque » dans 13,6 % des cas familiaux et sporadiques (126 cas sporadiques étudiés) de glaucome à angle ouvert, à tension normale ou basse.
Une protéine exprimée dans divers organes
L'optineurine, ont constaté les chercheurs, est exprimée dans le réseau trabéculaire et l'épithélium ciliaire non pigmenté de l'œil. Mais elle est aussi exprimée ailleurs : dans la rétine, le cerveau, le foie, les fibroblastes, le muscle squelettique et le rein, entre autres. Cette protéine est sécrétée dans l'humeur aqueuse et est localisée à l'intérieur des cellules dans l'appareil de Golgi.
La fonction de cette protéine est encore inconnue. On sait qu'elle interagit avec plusieurs protéines importantes dont l'huntingtine, la protéine mutée dans la maladie neurodégénérative de Huntington. De plus, elle pourrait être un composant de la voie de signal du TNF-alpha (facteur de nécrose tumoral alpha), qui régule la mort cellulaire programmée. Ainsi, proposent les chercheurs, « la forme normale d'optineurine, opérant par la voie du TNF-alpha, pourrait jouer un rôle neuroprotecteur dans l'œil et le nerf optique, tandis que la forme défectueuse produirait une perte visuelle et une neuropathie optique comme celles typiquement observées dans le glaucome à tension normale et haute ». Il est intéressant de noter que la protéine myociline pourrait aussi jouer un rôle neuroprotecteur.
Recherche d'interventions thérapeutiques
Cette découverte offre donc une nouvelle protéine pour tenter de comprendre la pathogenèse du glaucome et trouver des interventions thérapeutiques. L'équipe projette maintenant d'étudier la fonction de l'optineurine. Ils ont cloné le gène de l'optineurine chez la souris, ce qui permettra de créer un modèle animal pour cette étude.
De plus, puisque les mutations d'OPTN représentent un facteur de risque chez les patients qui ont un glaucome à tension normale ou basse, le gène pourrait être utilisé pour le dépistage présymptomatique dans la population générale.
« La découverte de ce gène, indique au « Quotidien » le Pr Sarfarzi, offre un nouvel outil pour identifier un sous-groupe de patients avec glaucome - ceux qui ont un glaucome à tension basse ou normale -, lesquels ne sont typiquement pas identifiables en raison de l'absence d'une tension intraoculaire élevée. Ce groupe de patients compte pour 30 à 50 % des glaucomes à angle ouvert dans les pays occidentaux et jusqu'à 78 % dans la population japonaise. Le gène de l'optineurine représente le premier test sanguin simple qui peut être utilisé pour identifier ce groupe de patients glaucomateux largement non diagnostiqués. »
« Science », du 8 fevrier 2002, p. 1077.
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