LA DIETETIQUE est un art de vivre, un genre de vie, « une philosophie ». C'est ce que déclare le Pr Jean-Michel Lecerf. Devant la difficulté que les chercheurs ont eu à incriminer un facteur de risque, voire une pathologie, à un nutriment ou à un aliment, ils se sont de plus en plus intéressés au style alimentaire, caractérisé par un mode de vie incluant des comportements, des combinaisons alimentaires, une activité physique, une attitude vis-à-vis de l'alimentation.
Surconsommation.
Le surpoids et l'obésité augmentent dans nos pays. Cinq pour cent des enfants sont obèses aujourd'hui, 15 % en surpoids, les chiffres ont été multipliés par six depuis les trente dernières années. Les causes sont multiples.
Nous sommes confrontés aujourd'hui à une grande variété alimentaire qui est un facteur de surconsommation évident et nous mangeons ce qui est disponible et ce que nous aimons. «Le problème n'est pas d'aimer manger, le problème est de ne pas savoir s'arrêter et de ne pas savoir orienter ses choix alimentaires», précise J.-M. Lecerf. Il faut donc considérer la quantité que l'on mange, les aliments disponibles, la taille des portions, la densité énergétique et la palatabilité.
Des facteurs autres qu'alimentaires favorisent la survenue de l'obésité : le facteur génétique, l'environnement social, la sédentarité, la surconsommation d'aliments gras et sucrés.
L'homme n'est probablement pas adapté à sa nouvelle condition de vie. On mange parfois trop, on mange parfois mal, mais, souligne J.-M. Lecerf, «on est probablement pas adapté non plus à nos nouvelles conditions de vie».
Deux composantes à l'équilibre.
Pourquoi grossit-on ? Simplement parce que l'on mange plus que ce que l'on dépense. Comment va-t-on maigrir ? En tendant vers un équilibre alimentaire déclinable sous deux aspects : quantitatif (ce que l'on mange par rapport à ce que l'on dépense) et qualitatif (la nature ce que l'on mange).
Sur le plan quantitatif, l'équilibre est en réalité spontané car l'organisme ajuste en permanence ses apports en fonction de très nombreux facteurs. Cet ajustement est inconscient, permanent, il confère au comportement alimentaire une grande souplesse, une adaptation et une flexibilité. Les apports énergétiques conseillés indiquent des chiffres qui ne sont que des repères épidémiologiques. Mais, compte tenu de l'excessive sollicitation liée à l'abondance alimentaire, la modération est une forme de sagesse. Le facteur quantitatif est différent suivant les individus.
Sur le plan qualitatif, la variété est la règle principale car il n'y a pas d'aliment parfait. Cette variété permet la satisfaction des besoins nutritionnels et assure la sécurité alimentaire en termes nutritionnels. Le facteur qualitatif est identique pour tous les individus.
Principes.
«Trois principes sont à la base d'une nutrition équilibrée», affirme J.-M. Lecerf. D'abord il n'y a pas d'aliment mauvais, seuls les excès sont mauvais quel que soit l'aliment. La modération est donc de mise. Il n'y a pas non plus d'aliment parfait, excepté l'allaitement maternel, la variété s'impose donc. Enfin, il n'y a pas d'aliment indispensable, seuls les nutriments le sont.
«On y ajoutera une quatrième loi, poursuit l'orateur, l'activité physique fait partie de la nutrition. Elle permet d'atteindre plus facilement l'équilibre alimentaire quantitatif et qualitatif.»
Selon lui, mettre à l'index un aliment ou un type d'aliment n'a pas de sens, c'est de l'antinutrition, voire «c'est contre-productif ou dangereux».
C'est contre-productif parce que l'interdit génère la déviance, le trouble du comportement alimentaire, en exagérant le désir. En cas de transgression, il génère la culpabilité.
Plaisir.
Selon ces données, tous les aliments doivent être réhabilités car tous ont des effets et des propriétés, ils sont tous fonctionnels. Certains conduisent à des excès plus rapidement mais ils ont une place car ils génèrent du plaisir. Bien comprendre le plaisir tient une place essentielle en nutrition humaine, car le plaisir est moteur et régulateur du comportement. A condition d'apprendre à savourer, à déguster, à apprécier. On redécouvre le bon sens alimentaire en gérant son équilibre.
«Définir de bons et de mauvais aliments peut même être dangereux, insiste J.-M. Lecerf, ce peut être source de nouveaux déséquilibres. Mais cela ne revient pas à considérer que l'instinct et le laxisme priment», poursuit-il.
Certaines règles doivent être respectées. D'abord par les industriels qui doivent tout mettre en oeuvre pour que l'aliment soit au mieux de sa forme. Par les médecins ensuite qui doivent montrer à leurs patients l'importance de la complexité alimentaire et la souplesse comportementale. Côté mangeur ou patient, il faut retrouver des sensations, du plaisir, écouter son corps, modérer et varier les plaisirs, rester actif, manger à l'heure des repas, à table avec les autres.
Session « L'alimentation équilibrée enseignée aux patients : liste rouge ou tableau noir », parrainée par le CICT (centre d'informations des charcuteries - produits traiteurs), avec la participation du Pr Jean-Michel Lecerf (Institut Pasteur, Lille).
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