COMMENT PREPARER L'OPINION publique à une menace sanitaire réelle et, ce faisant, ne pas diffuser des informations qui alimentent les inquiétudes ? Telle est, en substance, la question que se pose le Pr Didier Houssin. Et que le directeur général de la santé, en outre délégué interministériel à la lutte contre la grippe aviaire, a évoqué devant les médias, lors d'un « point de situation ».
Certes, a reconnu Philippe Vannier (Agence française de sécurité sanitaire des aliments), « la psychose qui semble s'être emparée d'une partie du public peut avoir des effets bénéfiques quand elle accroît la vigilance et permet de renforcer le dispositif de surveillance grâce à une meilleure réactivité de l'ensemble des acteurs ».
Tout en récusant pour sa part cette qualification de psychose ( « un terme psychiatrique inapproprié »), le DGS ne cache pas cependant que « l'élément émotionnel, le sentiment de peur crée des difficultés supplémentaires », qu'il s'agisse d'un retentissement inconsidéré sur la filière alimentaire, pourtant parfaitement sécurisée, ou de la gestion des stocks de médicaments, qui risque d'être compromise par des recours intempestifs et abusifs aux vaccins et aux traitements préventifs.
Volailles et oeufs sont sains en France.
« Les produits qui sont mis sur le marché français sont issus d'élevages sains », a tenu à souligner Monique Eloi (Direction générale de l'alimentation, ministère de l'Agriculture). Il y a un programme de surveillance régulier des virus aviaires hautement pathogènes au niveau européen, a-t-elle souligné. Si un cas survenait, l'élevage concerné serait bloqué : rien n'en sort (animal entier, viande de volaille, oeuf...) si ce n'est pour la destruction. » Malgré tout, la baisse du niveau de consommation traduit le trouble des consommateurs. De même, la question d'une possible rupture des stocks de vaccins contre la grippe saisonnière préoccupe les responsables sanitaires (« le Quotidien » du 27 octobre). Elle pourrait compromettre la protection des personnes de plus de 65 ans, des sujets exposés à des risques de décompensation, ainsi que des professionnels de santé. Or, souligne le Pr Houssin, « ce vaccin n'est pas en mesure de protéger contre le virus aviaire ; c'est une hypothèse particulièrement hypothétique de lui prêter une telle efficacité ».
« L'état de peur de l'opinion publique reste quoi qu'il en soit un objet extrêmement difficile à cerner, avoue le délégué interministériel, cela constitue un sujet de recherche pour les psychologues et les sociologues : comment se préparer à la menace en sauvegardant la sérénité générale. »
L'actualisation du plan grippe aviaire se poursuit cependant, en particulier avec la formation et l'information des professionnels de santé. « Les médecins vont prochainement recevoir une documentation complète, annonce le Pr Houssin (« le Quotidien » du 31 octobre). Le ministre Xavier Bertrand s'apprête à rencontrer d'autre part leurs représentants pour étudier avec eux les modalités de la prise en charge des patients à domicile, alors que la question de la distribution des produits de santé continue de faire l'objet d'analyses, en particulier pour décider de les distribuer en pharmacie ou par d'autres circuits. »
Enfin, les autorités sanitaires continuent de fourbir leurs armes concernant l'organisation hospitalière en période épidémique. Un plan pourrait être dévoilé dès la fin du mois. La production ainsi que le stockage de médicaments et de vaccins font toujours l'objet d'études, en France comme sur le plan international, dans le cadre de la conférence de Genève sur la grippe aviaire qui s'achève aujourd'hui.
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