L'activation dans les tissus adultes d'une voie de signalisation cellulaire essentielle au développement embryonnaire joue un rôle crucial dans le développement de certains cancers du tractus digestif. C'est ce que viennent de démontrer de manière très convaincante deux équipes américaines dont les résultats sont publiés simultanément dans l'édition en ligne avancée de la revue « Nature ».
Les deux équipes ont mis en évidence une activation anormale de la cascade Hedgehog dans différents types de tumeurs digestives. De plus, Berman et coll. ainsi que Thayer et coll. ont montré qu'en bloquant cette voie de signalisation à l'aide d'un inhibiteur spécifique il était possible de faire régresser des tumeurs greffées sur des souris de laboratoire. Leur découverte ouvre des perspectives importantes pour le traitement des cancers digestifs, en particulier ceux du pancréas.
La voie Hedgehog (Hh) participe à la croissance et à la différenciation d'une grande variété de tissus au cours du développement embryonnaire. L'activation de cette voie dans les tissus adultes, via la mutation de la protéine Patched, est associée au syndrome de Gorlin qui se manifeste par le développement de cancers touchant principalement la peau, le cervelet et les muscles squelettiques. En outre, de récents travaux ont suggéré que l'activation de la voie Hh, par un mécanisme différent de celui à l'origine du syndrome de Gorlin, participerait à la croissance d'une grande proportion des tumeurs du poumon à petites cellules.
Un rôle dans d'autres tumeurs
L'ensemble de ces données a conduit Berman et coll., d'une part, et Thayer et coll., d'autre part, à rechercher un rôle de la voie Hedgehog dans d'autres types de tumeurs.
Les deux équipes ont recherché l'expression de protéines qui activent la voie Hh dans des tumeurs de l'oesophage, de l'estomac, des canaux biliaires, du pancréas et du côlon. Ils ont mis en évidence que, contrairement aux cellules contrôles non cancéreuses, les lignées de cellules tumorales étudiées exprimaient pratiquement toutes les protéines Sonic Hedgehog (Shh) et Indian Hedgehog (Ihh), deux des ligands responsables de l'activation de la voie Hh. En outre, mis à part dans les lignées issues de tumeurs du côlon, l'expression de Shh et Ihh est associée à celle des gènes régulés par la cascade Hh. Ce qui signifie que l'expression de Shh et Ihh observée dans les lignées tumorales étudiées (sauf celles dérivant de cellules du côlon) provoque bien l'activation de la voie Hh.
La progression ralentie ou stoppée
A partir de ce résultat, les auteurs ont fait l'hypothèse que l'activation de la voie Hh devait être responsable de la croissance de la plupart des tumeurs digestives, à l'exception de celles du côlon. Si tel est le cas, la progression tumorale devrait pouvoir être ralentie ou même stoppée par l'inhibition de cette cascade de signalisation.
Les chercheurs ont testé cette hypothèse en greffant des tumeurs digestives sur des souris immunodéficientes, puis en injectant aux animaux un inhibiteur de la voie Hh, la cyclopamine. Alors que, chez des souris non traitées, la taille des tumeurs greffées est multipliée par 4 en trois semaines, chez les animaux recevant quotidiennement de la cyclopamine, les tumeurs disparaissent en 12 jours.
Non seulement ce résultat valide l'hypothèse des chercheurs, mais il est, en outre, très prometteur : les inhibiteurs de la voie Hh pourraient bientôt faire partie de l'arsenal des médicaments antitumoraux.
D. Berman et coll. et S. Thayer et coll., « Nature », édition en ligne avancée (http://www. nature.com).
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