Chose promise, chose due : dès l'automne 2002, Jean-François Mattei avait annoncé qu'il se réservait la possibilité de mettre en place un tarif forfaitaire de responsabilité (TFR), soit un tarif de remboursement unique quel que soit le prix du médicament, pour les médicaments princeps et les génériques correspondants qui n'auraient pas suffisamment percé en part de marché .
A la mi-avril, le ministère confirmait ce choix, prévu par la loi de financement de la Sécurité sociale 2003, en précisant que le TFR s'appliquerait aux groupes génériques dont la pénétration dans le marché global du médicament serait comprise entre 10 et 45 % en volume. Enfin, au début du mois de juin, le ministère laissait entendre que le TFR serait mis en place à l'automne 2003, et Jean-François Mattei vient donc de confirmer que ce sera chose faite à partir du 1er octobre prochain*. Initialement, le TFR devait consister à calquer le tarif de remboursement des médicaments princeps d'un groupe générique sur la base du générique le moins cher, mais, toujours au début du mois de juin, le ministère avait expliqué que ce tarif forfaitaire serait finalement calqué sur le prix moyen des génériques correspondants. Une mesure grâce à laquelle le cabinet de Jean-François Mattei espère réaliser 100 millions d'euros d'économies en année pleine. Mais, toujours au ministère de la Santé, on affirme déjà qu'on a d'autres cordes à son arc au cas où cette mesure ne suffirait pas : depuis l'annonce que la liste des molécules passant sous TFR serait calculée sur la seule base des chiffres de vente du mois d'avril 2003, les pharmaciens ont pu être tentés d'appliquer le droit de substitution pour certains médicaments afin de leur faire franchir la barre des 45 %. Jean-François Mattei a donc annoncé au début de juin que « si d'aventure certains pharmaciens forcent la dose en substituant, nous disposons de la voiture-balai pour la fin de l'année en remontant le seuil de 45 % à 60 % ». A bon entendeur, salut. Quoi qu'il en soit, selon les derniers chiffres disponibles à la CNAM, les ventes de génériques ont beaucoup progressé depuis l'accord du 5 juin 2002 : en nombre de boîtes, la part des génériques par rapport au répertoire est passée de 34 % en mai 2002 à 52 % à la fin d'avril 2003.
Les craintes des officinaux
Premier concerné, et premier à monter au créneau, Bernard Capdeville, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), ne mâche pas ses mots : « C'est une politique qui a pour objet de faire des cadeaux aux industriels et d'affaiblir le marché du générique ; les industriels du médicament savent bien que de grosses molécules novatrices vont bientôt arriver sur le marché du générique, et ils espèrent qu'avec cette politique du TFR, on ne se bousculera pas pour les génériquer. »
Le président de la FSPF regrette d'autant plus cette mesure que, pour lui, « la substitution effectuée par les pharmaciens a au moins autant fonctionné que la prescription en DC dans la progression des ventes de génériques ».
Mais Bernard Capdeville ne s'avoue pas vaincu et indique qu'il va prendre prochainement contact avec les industriels du générique : « Si les génériqueurs acceptent de baisser leurs prix par rapport au princeps , nous continuerons notre politique de substitution. »
Au LEEM (ex-SNIP), qui regroupe les principaux industriels du secteur pharmaceutique, le point de vue est évidemment différent et on se borne à expliquer que cette annonce « est un non-événement ; il ne s'agit que des mesures prévues par la loi de financement de la Sécurité sociale 2003, et il s'agit des médicaments annoncés par Jean-François Mattei le 19 avril dernier ».
Du côté syndical, Pierre de Haas, secrétaire général de MG-France, explique qu'il n'a pas « d'opposition de principe » à la mise en place du TFR : « Le ministère a commencé par baisser les taux de remboursement de médicaments à SMR faible ou insuffisant. Il a maintenant une approche à l'allemande sur les remboursements des groupes génériques. C'est intéressant, mais tout ça doit être intégré dans une politique globale comprenant l'accès aux soins. »
Enfin, à la direction de la communication de la CNAM, on indique que des réunions ont déjà eu lieu pour préparer des campagnes d'information du grand public au TFR : « Nous disposons d'une importante force de frappe avec notre lettre aux assurés, diffusée à 12 millions d'exemplaires, mais pour le moment, nous n'avons pas procédé à des achats d'espaces publicitaires. »
* La liste des groupes génériques soumis au tarif forfaitaire de responsabilité est disponible sur le site Internet du ministère de la Santé : www.sante.gouv.fr
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