DIFFUSÉE sur les écrans du monde entier, l'image du jeune homme défiant les chars, sur la place Tian An Men, a marqué les mémoires. Lou Ye, découvert en France avec son deuxième film, « Suzhou River », en 2000, terminait alors ses études de cinéma à Pékin.
Et quand il évoque ces événements dans un film qui est avant tout une histoire d'amour, il peut en montrer le côté romantique. «Les étudiants avaient le sentiment d'être plus libres et qu'ils pouvaient tout faire. Aujourd'hui, on sait que ce n'était qu'une illusion.»
En 1989, l'héroïne du film, Yu Hong, arrive tout juste de sa province natale au nord, à la frontière de la Corée. Elle est pleine d'illusions, oui. Sur l'amour : il ne peut être, pense-t-elle, que total, remplir toute la vie. Entre joyeuses fêtes et promenades sur le lac du Palais d'été, ce devrait être le bonheur. Mais Yu Hong ne sera jamais satisfaite. Les événements joueront certes un rôle dans son malheur mais c'est surtout son exigence, son insatisfaction permanente, sa mauvaise compréhension de ses propres désirs qui en seront la cause.
Autodestructeur.
C'est toute l'intelligence du réalisateur : il donne la priorité à son personnage et, sans s'appesantir sur les événements historiques, il en montre en fait la portée à long terme.
De 1989 à aujourd'hui, de Pékin au sud de la Chine avec un détour par Berlin, ses personnages semblent avoir la nostalgie de ce moment où tout semblait possible. Le film ne montre aucune mort pendant les événements. La mort vient après, de ce que provoquent les tourments émotionnels.
Lou Ye suit son personnage principal au plus près, sans trop se soucier d'expliquer ce qui se passe. Il filme les ébats amoureux avec beaucoup de liberté (et s'y attarde même, ce qui explique en partie pourquoi le film dure deux heures vingt), la passion avec sérieux et l'exaltation collective avec lyrisme et parfois poésie.
Si le personnage de Yu Hong est un peu agaçant dans ce qu'il a d'autodestructeur, on lui pardonne beaucoup grâce à son interprète, la vive et intelligente Hao Lei. Elle est l'un des grands atouts de cette coproduction franco-chinoise. Un autre est bien sûr d'ouvrir grandes les portes sur la Chine contemporaine. Comme l'héroïne, un pays riche de contradictions. Qui a encore, malgré des efforts d'ouverture, de vieux réflexes : pour avoir présenté son film au festival de Cannes 2006 sans l'autorisation du gouvernement, Lou Ye a été frappé d'une interdiction de travailler pendant cinq ans.
> RENÉE CARTON
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