Le phénomène des « coordinations », qui a pris ces derniers jours une ampleur considérable, est en train de donner un tour nouveau au mouvement des généralistes, qui échappe désormais en partie aux syndicats traditionnels.
Ces derniers se révèlent en tout cas incapables d'imposer à la base une stratégie unique et certaines de leurs consignes sont parfois contestées.
Dimanche dernier s'est constituée à l'hôpital Cochin (Paris) la première « coordination nationale des généralistes », réunissant des représentants d'une quarantaine de départements autour d'une plate-forme de revendications plus ou moins spécifiques (« le Quotidien » du 6 février). On y trouvait, certes, de nombreux médecins encartés à l'UNOF et au SML, mais surtout des généralistes non syndiqués, qui se reconnaissent mal dans le discours des organisations officielles. « Je n'ai jamais voté à droite, il est hors de question que tel ou tel responsable syndical nous récupère », tient à préciser le Dr Jean-Paul Hamon, généraliste à Clamart, principal animateur de ce mouvement protestataire, pour couper court aux rumeurs d'infiltration syndicale ou même politique. Le Dr Eric Camus, également responsable de cette coordination, est encore plus clair. « Beaucoup de médecins qui nous rejoignent refusent la bannière de l'UNOF, explique-t-il. Ce qui nous réunit, c'est le ras-le-bol total, la difficulté du quotidien, la volonté d'aller plus loin et plus vite, et surtout pas la démarche politique de tel ou tel responsable ou les élections. Le fait que Maffioli soit engagé politiquement, ça dérange plutôt, moi je ne me reconnais pas dans ses couleurs. »
Une autre « coordination nationale » qui se déclare très ouvertement « extrasyndicale et apolitique » est partie simultanément du Calvados, sur la base d'une motion adoptée par 300 généralistes. Cette motion appelait les médecins à passer au C à 20 euros (tarif unique de consultation) dès le 1er février, à appliquer un tarif de visite « à 25 euros minimum » et invitait les généralistes signataires à fermer « immédiatement » leur cabinet dès qu'un confrère serait sanctionné par les caisses, au nom du principe de « solidarité totale ». Bien médiatisée, cette coordination est également montée en puissance, a appelé chaque département à s'organiser de manière similaire et a créé un site Internet national (1). Le Dr Stéphane Debelle, un des responsables, explique qu'il avait été frappé, lors d'une AG de l'UNOF, le jour de la « Journée sans toubib » par « l'immobilisme du discours syndical qui contrastait avec la violence des médecins dans la salle ». « Quand MG-France a signé cet accord scélérat, les médecins ont été révulsés, ça a mis le feu aux poudres », ajoute-t-il.
Légitimité
L'autre nouveauté, c'est que les coordinations de généralistes revendiquent une certaine légitimité et ne se contentent plus, en tout cas, de l'image de francs-tireurs isolés. Elles n'hésitent pas à chasser sur les plates-bandes syndicales, même si elles reconnaissent qu'il appartiendra aux seuls syndicats de négocier avec les pouvoirs publics. « On rencontre des gens au PS, on a eu des contacts avec une conseillère de Guigou », affirme un responsable de la coordination née dans l'amphithéâtre de Cochin. Un autre, de la coordination du Calvados, fait même état d'un « contact en cours avec Kouchner ». « Il sera toujours temps après d'envoyer les syndicats, mais c'est la base qui dictera ses conditions », s'enflamme un généraliste.
Le Dr Hamon souligne au passage que, très souvent, « les syndicats nationaux ne prennent pas assez le pouls de la province », d'où l'émergence de consignes locales. Dans les environs d'Arras (Pas-de-Calais), par exemple, un groupe d'une vingtaine de médecins généralistes a décidé de marquer sa solidarité avec les infirmières. Facturant le C à 20 euros et le V à 25 euros, ces médecins reversent en fin de semaine la différence (par rapport aux tarifs conventionnels) à un syndicat. Mais ils n'appellent pas à fermer leur cabinet le 15 février, car, estiment-ils, « cette journée pénalise les patients ».
(1) generalistes.org
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