L'opération déminage a commencé. Depuis lundi, Jean-François Mattei a pris la mesure de la tâche immense qui l'attend avenue de Ségur.
Sur son agenda de ministre étaient en effet programmés pas moins de onze rendez-vous en trois jours avec des représentants syndicaux du Centre national des professions de santé (CNPS), des hôpitaux, cliniques, organismes privés sanitaires et sociaux, pharmaciens, dentistes, infirmières, kinés ou encore industriels du médicament.
Et la semaine prochaine s'annonce encore plus dense avec une vingtaine d'entretiens essentiellement consacrés au secteur public hospitalier. Toutefois, sans faire injure aux professionnels de santé invités par le nouveau ministre à exprimer leurs doléances, l'essentiel n'était pas là.
Contreparties
Pour Jean-François Mattei, et pour le gouvernement Raffarin qui doit assumer les promesses électorales du candidat Chirac, désamorcer le conflit des généralistes avant le premier tour des législatives reste de loin la première priorité, qui tourne même à l'obsession depuis que le Premier ministre s'est déclaré « optimiste pour la conclusion d'un accord dans les jours prochains ». C'est d'autant plus urgent que le conflit ouvert depuis six mois s'est radicalisé ces derniers jours sous la pression croissante des coordinations de généralistes désormais omniprésentes (voir par ailleurs). Elles multiplient les assemblées générales départementales pour confirmer le processus de déconventionnement massif, une arme « atomique » que le gouvernement prend très au sérieux : pour le patient, le déconventionnement signifie que la consultation, au tarif fixé librement par le médecin, n'est remboursée que sur la base d'un montant dérisoire.
Hier après-midi, Jean-François Mattei s'est donc rendu lui-même au siège de la CNAM pour rencontrer les présidents des trois caisses nationales d'assurance-maladie (salariés, agriculteurs, indépendants). Une visite sur place pour marquer la reconnaissance, par le gouvernement, des partenaires légitimement habilités à négocier avec les syndicats médicaux, mais qui traduisait aussi l'accélération récente des événements. Désormais, tout est prêt pour l'ouverture de négociations entre les caisses et les organisations de médecins libéraux sur la question centrale, mais pas exclusive, de la revalorisation du C à 20 euros.
L'assurance-maladie entend aborder ces discussions « sans tabou ni préalable d'aucune sorte », ce qui ne l'empêchera pas d'exiger des médecins des contreparties concrètes. La CNAM, à qui la revalorisation de la consultation de 18,50 à 20 euros coûterait 277 millions d'euros en année pleine, pourrait demander aux généralistes de s'engager à prescrire davantage de médicaments génériques ou moins d'antibiotiques. Avant de passer la main à la tête de la CFDT, Nicole Notat s'est en tout cas déclarée hostile à une augmentation de la CSG pour financer le passage de la consultation à 20 euros. En revanche, a-t-elle estimé, il n'est « pas anormal » qu'on demande en contrepartie aux médecins « une meilleure qualité des soins ou que les médicaments génériques soient davantage utilisés ». Pour Claude Pigement, délégué national du Parti socialiste à la santé, la revalorisation de la consultation généraliste de 18,50 à 20 euros pose deux questions essentielles. « D'une part, qui va payer ? C'est-à-dire va-t-on laisser filer les comptes sociaux ou va-t-on augmenter la CSG ? Et, d'autre part, quelles contreparties précises en termes d'amélioration de la pratique, du juste soin ? »
Les syndicats médicaux semblent en effet disposés à accepter certains « efforts » ou « objectifs » pour améliorer la pratique médicale, mais à condition qu'ils ne soient en aucun cas assortis de pénalités. « Il est hors de question de s'engager sur des volumes d'actes, nous refuserons l'opposabilité qui conduit aux lettres clés flottantes », prévient le Dr Michel Chassang, président de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF), majoritaire. « En clair, précise-t-il , si on nous dit que les généralistes doivent prescrire 15 % de génériques, sinon on revient à 18,50 euros, c'est non, trois fois non! » Pour que « tout le monde sorte du conflit par le haut », il se dit prêt à accepter des « objectifs intelligents, non opposables, sur les génériques, la prescription en DCI, etc. ».
Le Dr Dinorino Cabrera, président du Syndicat des médecins libéraux (SML), trouve « cohérent que les médecins donnent à certains gages, pourquoi pas dans le domaine du bon usage du médicament ». Pour la CNAM, et surtout le gouvernement, qui table sur le dénouement immédiat de la crise, c'est peut-être le plus difficile qui commence : tenir les promesses sans plomber durablement les comptes de l'assurance-maladie.
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