Les caisses d'assurance-maladie devraient désormais ouvrir rapidement des négociations avec les syndicats de médecins libéraux sur la question de la revalorisation de la consultation des généralistes à 20 euros. Une semaine après que le gouvernement eut réaffirmé son soutien à cette revendication, la jugeant « légitime », le président de la Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM), seule compétente pour conduire les négociations tarifaires, a invité les syndicats à venir négocier.
« Je réitère l'invitation faite à l'ensemble des syndicats de médecins libéraux à venir négocier à la CNAM la rénovation du dispositif conventionnel et les conditions d'une revalorisation du métier de médecin et, en particulier, de médecin généraliste », a confirmé Jean-Marie Spaeth, sans toutefois fixer d'échéance.
Jugeant cette déclaration comme « un incontestable geste d'ouverture » des caisses, les syndicats médicaux à l'origine du mouvement de grève des gardes des médecins ont immédiatement réagi en demandant au président de la CNAM de fixer lui-même la date de la rencontre. « Rien n'est encore fait, rien n'est joué, mais cette déclaration est la matérialisation que les caisses sont désormais prêtes à négocier », se réjouit le président de la Confédération des syndicats médicaux (CSMF), le Dr Michel Chassang, qui souhaite trouver « les termes d'un accord susceptible de mettre fin au conflit en cours ».« Qu'il fixe une date, mais qu'il la fixe rapidement », affirme le président du Syndicat des médecins libéraux (SML), le Dr Cabrera, qui se dit « disponible à tout instant ».
Bras de fer
De son côté, MG-France, qui rappelle « qu'il n'a jamais rompu le dialogue », se dit « très satisfait sur le retour de la CSMF et du SML dans la négociation conventionnelle et interpelle une nouvelle fois le gouvernement sur les moyens qu'il entend allouer à cette négociation ».
Mais cet apparent déblocage de la situation cache mal le bras de fer qui oppose depuis quinze jours, sur cette question, le gouvernement et les caisses d'assurance-maladie. Soucieux de respecter les engagements électoraux du candidat Chirac et de mettre rapidement un terme au conflit des généralistes, le gouvernement s'était engagé, dès son arrivée, à régler ce dossier. Il s'est toutefois heurté aux prérogatives des partenaires sociaux dans ce domaine et à la réticence de la Caisse nationale d'assurance-maladie à accorder une revalorisation de la consultation qui non seulement lui coûtera 277 millions d'euros en année pleine, mais l'obligera à se déjuger après l'accord signé le 24 janvier dernier avec MG-France.
L'Elysée, comme Matignon, aurait donc multiplié les pressions sur le président de la CNAM pour qu'il engage rapidement des négociations. D'autant que sur le terrain, la colère gronde et que le mouvement de contestation engagé depuis plus de six mois se radicalise. Déçue par sa rencontre en fin de semaine dernière avec le directeur de cabinet du ministre de la Santé, Jean-François Mattei, la coordination nationale des médecins libéraux poursuit son mouvement de déconventionnement collectif dans un département par jour (voir ci-dessous). Une menace présentée comme un « tigre de papier » par le président de la CNAM, mais qui est prise très au sérieux par le gouvernement, à trois semaines du premier tour des élections législatives.
Le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, lors de sa dernière intervention à la télévision, s'est donc résolument déclaré « optimiste sur la conclusion d'un accord dans les jours prochains », probablement avant les législatives.
« J'ai entendu le message. Nous voyons bien que l'inquiétude des médecins est en grande partie légitime et je suis très attentif à ce que nous disent les professionnels de santé », a-t-il déclaré à cette occasion.
Par ailleurs, Jean-François Mattei doit rencontrer demain au siège de la CNAM les présidents des trois caisses nationales pour leur expliquer toute l'importance politique qu'un tel accord présente à leurs yeux.
La marge de manœuvre de Jean-Marie Spaeth semble donc de plus en plus étroite. Au sein même de son conseil d'administration, il doit affronter la contestation des quatre autres confédérations syndicales de salariés, favorables depuis longtemps à une reprise du dialogue et à une remise à plat des conventions actuelles. La dernière réunion a été pour le moins houleuse. Après avoir demandé que les revendications tarifaires des médecins soient « satisfaites immédiatement », la CGT, FO, la CGT et la CFTC ont refusé d'avaliser la déclaration de Jean-Marie Spaeth, la jugeant encore trop ambiguë. « Ca augure mal des négociations à venir », affirme André Hoguet, de la CFTC. « Jean-Marie Spaeth s'est tellement impliqué dans la logique de la maîtrise comptable qu'il n'arrive pas à en sortir, regrette, pour sa part, l'ancien président FO de la CNAM, Jean-Claude Mallet. Juppé est revenu en arrière, mais lui n'arrive pas à le faire, de peur de se déconsidérer. »
Des réticences qui s'expliqueraient également par les conséquences d'une telle revalorisation sur les comptes de l'assurance-maladie. « Le président de la CNAM veut qu'on l'oblige à appliquer la consultation à 20 euros, il ne veut pas la négocier pour ne pas avoir à en supporter les conséquences », estime le chef de file de FO.
En tout cas, les caisses ont déjà fait savoir qu'elles n'accorderaient pas les 20 euros « sans contreparties ». La Mutualité sociale agricole (MSA) estime que l'augmentation de la consultation doit s'accompagner « d'un accord des professionnels de santé pour définir les outils propres à assurer le suivi des pratiques et à stopper la course aux volumes ».
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