Nouvelle étape dans la mobilisation des médecins ? Renforcement de la contestation ? Ou, à l'inverse, pourrissement, démobilisation, effritement ? Ceux qui sont engagés dans le conflit des médecins libéraux jurent leurs grands dieux que les généralistes ne sont pas prêts à baisser les bras, que de nouvelles actions vont être lancées, que la manifestation du 10 mars n'a nullement constitué une apogée, mais une simple étape dans un mouvement qui va crescendo.
Ceux que la colère des médecins de famille dérange, au premier desquels figure Jean-Marie Spaeth, président de la CNAM, croient discerner au contraire les prémisses d'un essoufflement de la contestation. Le succès de la manifestation de dimanche, ainsi que la détermination qui se manifeste à la base et que pourraient renforcer d'éventuelles sanctions prises par les caisses maladie contre les praticiens qui facturent 20 euros leurs consultations, incitent plutôt à penser que la fronde de généralistes a encore de beaux jours devant elle.
Quel que soit l'avenir du conflit, l'ampleur de la mobilisation et son impact médiatique ont été tels que plus rien désormais ne sera comme avant. Les médecins de famille en colère peuvent déjà se prévaloir d'un certain nombre d'acquis.
Le regard que portent l'opinion, la classe politique et les médias sur les généralistes a profondément évolué.
En se rappelant au bon souvenir des Français, trop souvent obnubilés par une médecine technicienne, en mettant l'accent sur leurs conditions de travail et de rémunération souvent sans rapport avec leurs responsabilités et leur qualification, les généralistes ont gagné la bataille des curs. Ils ne font plus figure de nantis - ce qu'ils ne sont plus depuis longtemps. Tout au long de leur mouvement, ils ont su conserver un capital de sympathie auprès des Français, confirmé de sondage en sondage. Même lorsqu'ils ont recouru à des méthodes objectivement pénalisantes pour les assurés sociaux - les dépassements d'honoraires non remboursés - ils ont, dans la plupart des cas, bénéficié du soutien de leurs patients. La classe politique a dû le reconnaître et notamment le gouvernement qui, même lorsqu'il refusait d'accéder à leurs revendications, ne manquait jamais de manifester, d'une certaine manière, sa compréhension l'égard du malaise des généralistes.
Le combat du C à 20 euros est gagné dans l'opinion.
Le syndicat MG-France a repris cette revendication à son compte.
Jacques Chirac a, par la voix de Roselyne Bachelot, son porte-parole, exprimé son soutien à une telle revalorisation. D'autres candidats l'ont fait aussi. Ce n'est certes pas la seule exigence des généralistes, mais c'est celle qui fédère leur mouvement et qui est devenu emblématique de leur colère. Face à une telle détermination et à des soutiens venant d'horizons aussi divers, on se demande combien de temps encore l'assurance-maladie va pouvoir camper sur ses positions. On voit mal surtout comment les pouvoirs publics, quels que soient les résultats des élections, pourront dissiper le malaise de la profession sans accéder à cette demande dont le coût pour l'assurance-maladie serait d'environ 250 millions d'euros en année pleine.
En matière de permanence des soins, les généralistes ont réussi à faire admettre que cette mission de service public ne pouvait être assurée sans qu'elle s'accompagne d'une rémunération décente.
Le paiement des astreintes, la réorganisation des tours de garde, la refonte probable de l'article 77 du code de déontologie faisant obligation aux praticiens de prendre des gardes (sauf dérogations exceptionnelles), sont autant d'améliorations non négligeables des conditions de travail des médecins de famille.
Sans doute ne faut-il pas se bercer d'illusions. Satisfaire la revendication du C à 20 euros est une condition sine qua non pour mettre un terme au conflit et restaurer la confiance avec les médecins de famille. Mais cela ne saurait suffire à résoudre la crise de la médecine de ville et de l'organisation des soins ambulatoires. Après les échecs enregistrés par les derniers gouvernements qui n'ont réussi ni à maîtriser l'augmentation des dépenses de médecine ambulatoire, ni à rétablir la paix médicale, les pistes d'une modernisation du système de soins restent encore à explorer. On en perçoit les grande lignes : des actes correctement rémunérés (l'objectif d'une consultation à 30 euros comme le demandent la CSMF, le SML, la FMF, la CGT, FO, la CFE-CGC et la CFTC n'est pas aussi utopique qu'il peut y paraître de prime abord) et, en contre-partie de cette rémunération complétée par des forfaits pour certains types d'actions, des engagements fermes des médecins en matière de limitation de l'activité, de respect des références médicales et des guides de bonnes pratiques, de prescription, de participation à des actions de santé publique et de prévention. Le tout assorti de sanctions pour les médecins qui enfreindraient de telles règles définies en commun. C'est cette politique du donnant-donnant du renouveau contractuel entre les médecins et leurs partenaires qui est, sans doute, pour les praticiens comme pour l'Etat la plus riche de promesses. Elle est, il est vrai, plus facile à proclamer qu'à mettre en uvre.
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