Contrairement à la revalorisation d'une lettre clé existante, dont l'application peut être immédiate, la rémunération d'une nouvelle fonction reconnue, en l'occurrence l'astreinte de garde des généralistes, (1) ne va pas de soi.
Comme nous l'avions annoncé, il se passera plusieurs mois avant que le paiement des astreintes des généralistes (50 euros pour une période de 12 heures) s'applique sur l'ensemble du territoire français. En effet, au-delà des propos convenus d'Elisabeth Guigou et de Bernard Kouchner, qui estimaient, vendredi dernier, que la signature du protocole national sur la permanence des soins entre l'Etat, l'Ordre et l'assurance-maladie apporte une « solution claire et négociée » à la question des astreintes, il faudra réunir plusieurs conditions techniques avant la traduction concrète du dispositif sur le terrain.
Première étape : la « sectorisation » de la permanence des soins.
En clair, il s'agit de diviser chaque département en secteurs de gardes, territoires clairement identifiés sur lesquels s'organisera la disponibilité des médecins la nuit, les week-ends et jours fériés.
Expérimentation
Le découpage des secteurs devra à la fois tenir compte de la géographie (accessibilité, environnement urbain et rural), de la démographie (densité, âge de la population) et de l'offre de soin médical.
Or, si la définition de ces secteurs de garde par les conseils départementaux de l'Ordre, en accord avec les préfets et les caisses, devrait être rapide dans les départements déjà très bien structurés (où il existe une cartographie précise des tours de garde), ce ne sera pas le cas partout, d'autant que le regroupement des secteurs de permanence des soins actuels sera « systématiquement » recherché. Dans une première étape, les pouvoirs publics veulent atteindre « 1 500 secteurs de permanence des soins » alors qu'il existe actuellement quelque 3 100 tours de garde de généralistes en France, selon l'association MG-urgences. Il faudra donc revoir la carte française de la permanence des soins. Le ministère de l'Emploi et de la solidarité rappelle que cette sectorisation « améliorée, efficace et négociée » devra être mise en uvre « dans les meilleurs délais ».
Mais l'enthousiasme de l'Ordre, qui mesure la difficulté du défi, est plus modéré.
Dans une lettre adressée aux présidents des conseils ordinaux départementaux, le Pr Bernard Hoerni, président du Conseil national de l'ordre, explique que « dans un premier temps et pour les trois prochains mois, à titre indicatif, le système sera testé sur certains départements volontaires ; un point sera alors fait, précise-t-il, avant extension aux autres départements.Nous aimerions savoir si vous êtes prêts à participer à l'expérimentation », demande le président de l'Ordre.
Un dispositif novateur mais complexe
Autant dire que la montée en puissance du paiement des médecins d'astreinte sera très progressive jusqu'au 1er juin, date à laquelle un bilan sera dressé.
Outre la sectorisation, l'Ordre a été chargé, comme il l'exigeait, d'arrêter les listes nominatives des médecins de garde et d'astreinte dans chaque département, listes communiquées aux centres 15 (pour faciliter la régulation) et aux caisses (pour permettre le paiement). Nul praticien ne pourra donc s'improviser médecin d'astreinte dans son coin. « Seuls peuvent bénéficier de la rémunération de l'astreinte les médecins désignés par le conseil départemental de l'Ordre (...) », stipule le protocole.
La réussite de ce dispositif novateur mais complexe est loin d'être acquise. De nombreux généralistes risquent de rejeter ex abrupto un système où les caisses d'assurance-maladie, mais surtout l'Ordre des médecins, ont un rôle décisionnel majeur. Particulièrement virulents, la CSMF et le SML déclarent déjà que « le temps de l'esclavage est révolu » et dénoncent le « retour du service de garde obligatoire (SGO)pour les généralistes ».
Pour les deux organisations, cet accord signé en « catimini » constitue un « casus belli ».
(1) L'astreinte rémunérée est instaurée la nuit de 20 heures à 8 heures ainsi que le dimanche et les jours fériés de 8 heures à 20 heures.
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