« C'est clair, les généralistes veulent en découdre, ils veulent mettre le feu aux poudres en prenant la liberté des honoraires. »
Le Dr Dinorino Cabrera, président du Syndicat des médecins libéraux (SML), en convient : l'entrée en résistance de milliers de généralistes qui appliquent déjà le C à 20 euros et le V à 30 euros traduit un « ras-le-bol total » et rend désormais impossible tout retour au calme.
« Sur le terrain, le mouvement ne s'arrêtera plus, Guigou a perdu son pari », commente aussi le Dr Michel Chassang, président de l'UNOF.
Comme d'autres responsables syndicaux, les présidents du SML et de l'UNOF n'ont pu que constater la résurgence des coordinations de généralistes, qui vont au bien au-delà des clivages habituels.
L'appel de Cochin
Dimanche, à l'hôpital Cochin (Paris), les représentants des généralistes en grève dans une quarantaine de départements à la pointe du conflit (Grand Ouest, région parisienne, Pyrénées, Oise, notamment) se sont constitués pour la première fois en coordination nationale, et ont récusé l'accord « honteux et humiliant » signé entre les caisses et MG-France. Ce mouvement de rejet qui se veut intersyndical (on y retrouve des membres du SML, de l'UNOF et de la FMF à côté de très nombreux médecins non syndiqués) a devancé les syndicats traditionnels en annonçant une « Journée sans toubib » le 15 février, mot d'ordre officiellement repris par la CSMF et le SML avec le slogan « le 15, appelez le 15 ».
La coordination nationale des généralistes, qui exige la réouverture immédiate de négociations sur les honoraires, a également programmé une journée d'action le 14 février : ce jour-là, chaque médecin sera invité à reverser 1,5 euro par acte aux Restos du cur. Elle demande en outre la réouverture du secteur à honoraires libres, la refonte du statut social et fiscal du médecin installé et la révision de l'article 77 du code de déontologie consacré au « devoir » de garde. La coordination exhorte enfin les médecins à faire preuve d'une solidarité « sans faille » en cas de sanctions décidées par les caisses au niveau local.
la tentation du déconventionnement ?
Le Dr Jean-Paul Hamon, généraliste à Clamart (92), et l'un des principaux animateurs de cette nouvelle guérilla médicale, estime qu' « environ 10 000 généralistes » appliquent actuellement le tarif de la consultation à 20 euros. Il affirme que, d'ici à la manifestation du 10 mars, « tous les départements » auront rejoint la coordination. « Le gouvernement se trompe en jouant le pourrissement, en essayant de nous faire passer pour des nantis », résume-t-il. Selon certains responsables de ce mouvement, de plus en plus de généralistes seraient désormais tentés par le déconventionnement.
La radicalisation du conflit, qui rend la fronde des généralistes de moins en moins canalisable, est diversement accueillie par les syndicats traditionnels : comme d'habitude, ils redoutent et utilisent en même temps les coordinations. Pour le Dr Cabrera (SML), il n'est pas surprenant que « des actions de guérilleros viennent compléter l'effort des armées régulières ». « Plus le gouvernement tardera à négocier, plus les revendications seront maximalistes », met-il en garde. Une analyse que partage le Dr Michel Chassang, président de l'UNOF. « Pour l'instant, le discours des coordinations est relativement semblable à celui de l'UNOF, observe-t-il. Mais avec les coordinations, on sait où ça commence, on ne sait jamais où cela finit. Nous sommes entrés dans une zone de grandes turbulences : on risque de voir autre chose, des mouvements plus violents. »
Le Dr Pierre Costes, président de MG-France, offre une toute autre analyse de la montée en puissance des coordinations. « La première signification, déclare-t-il, c'est que tant qu'il n'y aura pas de mise en uvre réelle des mesures de l'accord, la profession continuera à douter. » « L'autre enseignement, ajoute-t-il, c'est que l'UNOF n'a pas la crédibilité suffisante sur le terrain pour contrôler le mouvement. »
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