Entretien
LE QUOTIDIEN : Pour quelle raison majeure vous opposez-vous à la généralisation du tiers payant ?
Dr BERTRAND LEGRAND : Aujourd’hui, le tiers payant est destiné aux personnes les plus démunies. Pourquoi l’étendre aux 65 % des Français les plus riches, la classe moyenne et les cadres sup’ ? Vouloir généraliser une aide sociale n’a pas de sens.
Cela n’aidera pas les gens qui sortent de la CMU, bossent un mi-temps ou un tiers-temps, gagnent autour de 920 euros mensuels, ou encore sont éligibles à l’aide à la complémentaire santé (ACS) mais ne l’utilisent pas. Ces personnes continueront à ne pas avoir de complémentaire et à ne pas bénéficier du tiers payant intégral. La généralisation du tiers payant est l’inverse d’une mesure sociale. Si l’objectif est de lutter contre le renoncement aux soins, le tiers payant n’est pas une bonne solution.
Les complémentaires promettent un dispositif simple avec garantie de paiement. Cela ne vous rassure pas ?
Je fais du tiers payant sur la part obligatoire mais pas sur la part complémentaire car les mutuelles ne sont pas capables de traiter un flux. Depuis des mois, Marisol Touraine nous assure que le tiers payant marchera, qu’il sera simple et fiable. Or, depuis la création de notre observatoire, en novembre, tout le monde a pu voir que ce n’est pas le cas. En janvier 2015, on constate même une explosion des délais de paiement en tiers payant. Il y a aussi le problème de certaines majorations non payées aux médecins ou de montants diminués. D’ailleurs, même si le système venait à être simple, nous ne l’accepterions pas ! Ce n’est pas uniquement un problème technique. Cette mesure n’est pas utile.
Que pensez-vous des cartes monétiques à débit différé ?
C’est la meilleure piste à ce jour. La carte santé existe déjà et fonctionne bien. Son taux d’erreur est extrêmement faible. Un tel système représente pour le médecin un coût de 500 euros à l’année afin qu’il s’équipe d’un terminal de carte bleue. Le coût est nul pour l’assurance-maladie et le service est souvent offert au patient dans le cadre de son contrat. Le médecin est réglé dans son intégralité, le patient est remboursé avant d’être prélevé. Bref, c’est un système gagnant-gagnant. Cette solution monétique permettrait également de préserver le secret médical en évitant d’ouvrir aux mutuelles l’accès à certaines données de santé des patients.
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