Si l'usage correct du préservatif est le seul moyen efficace de prévenir la transmission sexuelle du VIH et des autres MST, il n'est pas toujours possible pour les prostituées de le faire accepter aux « clients ». Dans ce cas, la femme devrait pouvoir adopter de son propre chef une autre méthode de prévention. Un microbicide à usage local pourrait être la solution idéale, mais encore faut-il le trouver.
Une vaste étude menée dans quatre pays à forte prévalence du VIH1 : Bénin, Côte-d'Ivoire, Afrique du Sud et Thaïlande, apporte en effet la preuve formelle de l'inefficacité du gel de nonoxynol-9. Ce gel spermicide, vendu sans ordonnance, a fait l'objet d'un grand nombre d'expérimentations en raison d'une activité contre le VIH1 et d'autres agents de MST in vitro. In vivo, le gel prévient la transmission du virus d'immunodéficience du singe chez le macaque et pourrait limiter la transmission de Neisseria gonorrhoeae et de Chlamydiae trachomatis chez la femme, comme l'ont suggéré plusieurs observations.
« Au moment où nous avons commencé l'étude, expliquent les investigateurs dans le « Lancet », la protection par gel spermicide soulevait encore des interrogations. » Des études d'observation chez des prostituées camerounaises avaient obtenu un moindre taux de transmission du VIH chez les utilisatrices fréquentes, alors qu'une autre étude contrôlée n'avait montré aucun effet protecteur. Dans ce dernier essai, les doses de nonoxynol-9 (1 000 mg) avaient, de plus, provoqué une toxicité directe locale. « Nous avons pensé qu'il fallait mettre fin à la controverse sur ce gel, facilement disponible, bon marché et présent depuis les années 1950 aux Etats-Unis », ont annoncé les épidémiologistes.
52,5 mg de nonoxynol-9
L'étude a été menée avec des doses moindres de nonoxynol-9 (52,5 mg), suffisantes pour recouvrir le col utérin et les parois vaginales mais, a priori, dénuées de toxicité directe (d'après les études menées dans les pays développés). L'objectif était de comparer l'efficacité du gel par rapport à un placebo chez des prostituées séronégatives en zone d'endémie.
Au total, 892 prostituées en bonne santé et non enceintes ont été assignées à recevoir un nombre illimité de doses de gel spermicide(n = 449) ou de gel de placebo (n = 443). Il leur était recommandé d'utiliser les préservatifs, non lubrifiés au spermicide également fournis et d'avoir recours au gel spermicide en cas d'impossibilité. L'analyse primaire a porté sur 765 prostituées ayant satisfait aux critères de suivi (entre 24 et 48 mois). Sur les 104 séroconversions observées, 59 étaient dans le groupe sous gel spermicide. Les taux de transmission variaient en fonction des sites géographiques et étaient globalement défavorables à l'utilisation du spermicide.
Un risque doublé par rapport au placebo
Les femmes qui déclaraient qu'elles utilisaient le gel plus de 3,5 fois par jour de travail, avaient un risque d'infection par le VIH1 doublé par rapport à celles sous placebo. En dessous de cette fréquence d'application du gel, le niveau de contamination était comparable à celui du groupe placebo. En matière d'infections à gonocoques et à chlamydiae, les fréquences étaient absolument comparables avec ou sans spermicide. « L'atteinte de l'intégrité de la muqueuse vaginale, observée chez les utilisatrices fréquentes, est à l'origine de l'augmentation du risque d'infection à VIH1 », suggèrent les chercheurs . « Ce n'est pas une raison pour abandonner la recherche d'un microbicide vaginal, dit dans un éditorial, un expert de santé publique australien, au contraire. Et il n'y a pas de temps à perdre. »
Lut Van Damme et coll., « The Lancet », vol. 360, 28 septembre 2002, pp. 971-977, p. 962.
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