Arts
L'exposition est dominée par la toile monumentale que Gauguin intitulera « D'où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ? » et qui sera son testament pictural. Cette « composition philosophique » considérée comme le chef-d'uvre tahitien de Gauguin résume la plupart des leitmotivs et des singularités picturales de l'artiste.
Les autres uvres exposées au Grand Palais amènent le visiteur vers ce sommet, point d'aboutissement d'un long travail de méditation quasi religieuse, de recherches anthropologiques et de perfectionnement technique qui durera vingt ans.
Tout est bon à Gauguin pour approfondir sa connaissance de la culture polynésienne et pour nourrir son inspiration. Il sculpte le bois, la pierre, il dessine, il crée des « bibelots sauvages », il écrit, il remonte aux sources de l'art local. Parallèlement, il peint, et c'est au cours de ce second séjour que sa peinture prend l'éclat, la pureté, la générosité qui vont faire sa gloire.
Gauguin aura enfin trouvé le repos dans un décor d'Eden florissant. Il est en paix, loin de toute civilisation. La civilisation n'est à ses yeux qu'un « fléau ». Ici, l'état de nature gouverne l'homme qui vit dans l'intimité secrète avec la flore luxuriante. Le temps s'arrête, il se fige dans l'éternité. « La Cueillette des fruits » est le plus bel emblème de cette plénitude. La toile respire la félicité et la douceur de vivre. Partout, la terre est « délicieuse », les mangues sont juteuses, les « cases tahitiennes sous les palmiers » sont riantes et accueillantes. Partout, ce ne sont que « joyeusetés », plaisirs simples, authenticité. On est à l'origine du monde. La femme est l'incarnation de ce bonheur. Chaque toile est un hymne ardent aux vahinés, à leurs âmes simples, à leurs corps robustes.
Possédé par un puissant besoin de spiritualité, le peintre réalise une étrange synthèse entre les thèmes chrétiens traditionnels, les mythes païens et les coutumes tahitiennes. Ses toiles sont des hommages aux cultes maoris, « l'esprit des morts » souffle sur elles, la grâce de la Vierge Marie les habite, mais elles recueillent tout aussi bien les « paroles du diable » : ainsi le veut la mystique personnelle de Gauguin, enfantine et lumineuse.
Gauguin invente des harmonies extrêmement audacieuses, en réalisant par exemple dans les « Pastorales tahitiennes » l'une de ses plus belles prouesses : placer dans un même ensemble un chien orangé à l'ombre d'un arbre bleu sur un rivage jaune lumineux, au bord d'une mer rouge sang. Il prodigue à la couleur un pouvoir expressif, rarement atteint par d'autres peintres, qu'ils fussent précurseurs ou suiveurs.
A la fin de sa vie, Gauguin dira seulement : « J'ai fait mon devoir... ». Quel devoir ? Restituer à l'art sa pureté originelle.
« Gauguin-Tahiti. L'atelier des tropiques ». Galeries nationales du Grand Palais. Entrée square Jean-Perrin, Paris-8e. Tlj, sauf mar de 10 h à 20 h. Entrée : 10,10 euros sur réservation et 9 euros sans réservation. Informations : 01.44.13.17.17. Catalogue de l'exposition : 348 pages, 45 euros, RMN/Seuil.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature