Trois semaines après avoir appelé les députés à « dépasser les choix partisans » avec la loi sur la fin de vie, Marisol Touraine a usé mardi d’un tout autre ton en ouverture du débat sur sa loi santé à l’Assemblée. Alors que les médecins manifestaient à l’extérieur de l’Hémicycle et que la droite échauffait les esprits à l’intérieur, la ministre a, d’emblée, placé le débat sur le terrain politique. L’heure n’était plus à la concertation, mais au combat. Et on a vu une Touraine offensive placer sa loi santé sous les auspices des grandes réformes sanitaires poussées par la gauche : la santé publique avec Evin, la CMU avec Aubry, les droits des patients avec Kouchner… La manœuvre tient de la tactique autant que de la stratégie. Il s’agit de prendre acte de l’hostilité de l’opposition à son projet, mais surtout d’amener les « gauchistes » de la majorité à se rallier à son panache… rose.
On verra, d’ici au vote du 14 avril, si cette façon d’orienter les débats a été payante. Mais déjà l’analyse interpelle. « À chaque fois que la gauche a gouverné, elle a pris ses responsabilités, elle a réformé notre système de santé dans le sens de la justice et de l’égalité », martèle la ministre, qui parallèlement réduit l’action de la droite entre 2002 et 2012 à la création des franchises, aux déremboursements et à une inaction coupable sur les inégalités de santé et les déserts médicaux. Dans un raccourci dont seuls les politiques ont le secret, Marisol Touraine oublie donc la création du médecin traitant, la nouvelle gouvernance de l’Assurance Maladie et la création des ARS… Toutes réformes bâties par la droite, conservées par la gauche et qui - faut-il le rappeler ? - font désormais consensus de part et d’autre de l’échiquier politique.
À la vérité, sur le terrain sanitaire, la différence a toujours semblée ténue entre les deux camps. Tout au plus peut-on concéder à la droite plus d’initiatives sur le versant institutionnel quand la gauche se distingue sur les droits des assurés, comme avec la généralisation du tiers payant… Pour le reste, peu d’alternatives. Sur la gouvernance, on relèvera plus qu’une parenté entre plan Juppé, loi HPST et réforme Touraine. Sur l’assurance maladie, la droite française n’est pas si libérale et la gauche pas si anti-libérale. Et sur la santé publique, on trouve quelques militants dans à peu près tous les partis… Pendant ce temps, notre système de santé se réforme, dans le sens d’une régionalisation accrue diront les uns, d’une étatisation croissante, soutiendront les autres… Tout le reste est jeu de rôles...
Jean Paillard, directeur de la rédaction
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