Les rotavirus ont été décrits pour la première fois au cours des années 1950 par des vétérinaires. Ce n'est que vingt ans plus tard que le lien entre ce virus et des épidémies de gastro-entérites chez des enfants a été établi. A l'heure actuelle, les rotavirus représentent la première cause de diarrhées infantiles et de déshydratation dans le monde. Outre leurs manifestations cliniques habituelles - vomissements, diarrhée, déshydratation et fièvre -, des manifestations extradigestives ont été rapportées par de nombreux auteurs : pneumonie, exanthème, coagulation intravasculaire disséminée, lympho-histiocytose et manifestations neurologiques (encéphalites, encéphalopathies, atteinte du cervelet, convulsions...). Or, pour être directement à l'origine de ces manifestations, le rotavirus doit avoir passé la barrière digestive. Mais jusqu'à présent, les résultats des différentes publications à ce sujet restent inconstants et dotés d'une faible valeur de significativité statistique. Ainsi, des auteurs ont rapporté avoir détecté le l'ARN du rotavirus au sein du LCR de sujets atteints, mais une possible contamination au moment de la ponction lombaire n'a pu être totalement exclue. Afin de préciser cette donnée de façon plus formelle, les Drs Sarah Blutt et Ruth Bishop - la première qui avait décrit les infections infantiles par rotavirus dans les années 1970 - ont mis en place une double étude à la fois vétérinaire et humaine.
Le volet animal de l'étude a constitué en l'inoculation par voie orale de rotavirus homologues ou provenant d'espèces différentes chez des rats nouveau-nés ou adultes immunocompétents, les lapins adultes et des veaux. Des prélèvements sanguins et de selles ont été effectués de un à dix jours après l'inoculation. « Nous avons retrouvé des antigènes de rotavirus au sein du plasma des animaux infectés alors que, chez les sujets contrôle, de tels antigènes n'ont pas été détectés », explique le Dr Blutt. En outre, du rotavirus potentiellement infectant et de l'ARN de rotavirus ont été détectés chez les souris et les veaux.
Des antigènes du rotavirus dans le sérum d'enfants diarrhéiques
Le volet humain de l'étude comprenait l'analyse par PCR du sérum de 33 enfants atteints de diarrhée à rotavirus, ainsi que de 6 enfants en bonne santé, de 12 adultes sains et de 6 enfants convalescents après une diarrhée à rotavirus. « Nous avons retrouvé des antigènes liés au rotavirus dans 22 des 33 prélèvements effectués chez les enfants diarrhéiques, alors que chez les 35 sujets contrôle, ce test s'est révélé négatif », analysent les auteurs. Le taux d'antigène présent dans le sérum était inversement proportionnel au nombre de jours séparant les débuts de l'infection et la date du recueil sanguin et proportionnel au taux de rotavirus présent dans les selles. Par ailleurs, de l'ARN de rotavirus a été retrouvé par RT-PCR chez 3 des patients.
Dans un éditorial, le Dr David Candy (Grande-Bretagne) explique que « le passage sanguin du rotavirus doit inciter à travailler sur d'autres voies vaccinales que les voies locales privilégiées jusqu'à présent ».
« The Lancet », vol. 362, pp. 1429 et 1445-1450, 1er novembre 2003.
Affinité pour les entérocytes villeux
Le rotavirus est doté d'une affinité particulière pour les entérocytes villeux matures de la partie proximale de l'intestin grêle. Des études en microscopie électronique ont permis de montrer que, après invasion cellulaire, le cytoplasme cellulaire se gonfle de vacuoles à partir de la structure du réticulum endoplasmique. Les particules virales ne sont visibles qu'au sein de ces cellules alors qu'au niveau de la lamina propria et des vaisseaux villeux, aucune particule virale ne peut être détectée. Le flux sanguin villeux diminue en réponse à l'inflammation ce qui pourrait contribuer à limiter le passage sanguin du rotavirus.
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