Quid de la supplémentation nutritionnelle de la femme enceinte ou en désir de grossesse aujourd’hui? Tel a été l’un des thèmes abordés lors du premier congrès In Utero, qui s’est tenu à Paris le 16 mars dernier. Selon les recommandations de la HAS, “aucun complément alimentaire multivitaminé n’est nécessaire en cas d’alimentation variée et équilibrée”. Seul l’acide folique est à conseiller systématiquement, à 400 microgrammes par jour, 28 jours avant la conception et jusqu’à 12 SA, cet apport réduisant le risque de malformation du tube neural. Autre avantage : “ on note aussi une tendance à la réduction du risque de fentes palatines et de cardiopathies” indique le Dr Dominique Luton (hôpital Beaujon, Clichy).
Acide folique, pas assez systématique
Cependant, la réalité de cette supplémentation n’est pas optimale. Avec tout d’abord, « un défaut d’administration systématique, notamment en pré conceptionnel », évoque Dominique Luton, en relatant une étude française menée auprès de 400 femmes, qui montre que 88 % espéraient une grossesse avant de tomber enceinte mais seulement 13 % avaient pris de l’acide folique.
En dehors de l’acide folique, d’autres supplémentations sont à conseiller aux femmes, mais seulement en cas de carence. C’est le cas pour le fer, la vitamine D, l`iode et le calcium. Des supplémentations qui, en pratique, restent rares ou peu suivies, alors que la majorité des femmes semblent carencées en ces éléments.
Pour le fer, tout d’abord, l’anémie ferriprive augmente les risques de prématurité et d’hypotrophie foetale. Et « on estime que 2/3 des femmes seraient carencées, dont 30 % en anémie », relate le Dr Thierry Harvey (hôpital des Diaconesses, Paris). Or le dosage de l’hémoglobine n’est obligatoire qu’au sixième mois de grossesse. « Ce qui est bien trop tardif », poursuit l’obstétricien qui souhaiterait que cet examen soit fait au premier trimestre de grossesse, “période durant laquelle le risque de carence est le plus élevé”. Thierry Harvey suggère même de dépister les carences martiales avant la conception, avec tout d’abord un interrogatoire bien mené (abondance des règles, habitudes alimentaires, etc.), voire un dosage sanguin en cas de doute. Ainsi, en cas de carence avérée, on pourra traiter (ou modifier les habitudes alimentaires) tôt, avant même une grossesse.
L’Europe en manque de vitamine D
Quant à la vitamine D, son apport réduit les hypocalcémies néonatales. Elle n’est prescrite systématiquement qu’aux femmes qui s’exposent peu au soleil ou en cas de faible apport alimentaire et pour les grossesses qui se développent en hiver (dose unique de 100 000 UI au début du 6e ou 7e mois).
Mais le Dr Hélène Pejoan (pédiatre) s’inquiète du statut en vitamine D des femmes vivant en Europe, qui seraient bien plus carencées qu’on ne le pense. “Nous ne consommons que peu d’aliments riches en vitamine D et nous ne synthétisons pas assez de vitamine D via l’ensoleillement, tout du moins de novembre à mars, avance-t-elle. De plus, la dose de 100 000 UI semble insuffisante, selon une étude que nous avons menée sur le statut en vitamine D de 400 nourrissons, après analyse du sang de cordon".
Pour l’iode, la supplémentation n’est proposée que dans les populations carencées, la carence des mères pouvant provoquer des retards dans le développement intellectuel du bébé (notamment -10 points de QI). Les cas les plus graves (crétinisme) ont heureusement disparu. Mais les femmes Européennes sont aujourd’hui encore trop souvent modérément carencées en iode. « Une étude a montré en 1997 que les taux d’iode avoisinaient les 50 microgr /ml chez les femmes enceintes. C’est-à-dire une situation de carence » relate Dominique Luton. La supplémentation se justifierait donc pleinement dans de nombreux cas, de l’ordre de 200 à 150 microgrammes / jour dès la période périconceptionnelle. Mais elle doit être assortie d’un suivi et ne pas dépasser 500 microgrammes par jour.
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