DE 4 100 EN 2001, il est passé à 4 700 en 2002, 5 100 en 2003, 5 550 en 2004 : pour faire face à une pénurie médicale annoncée depuis plusieurs années, le nombre d'étudiants admis à passer en Pcem 2, le fameux numerus clausus, augmente sensiblement. Et, alors que le dernier rapport remis au ministère de la Santé sur la question - le rapport Yvon Berland - plaidait pour un relèvement progressif à 8 000 en 2007, les pouvoirs publics se sont engagés, à la satisfaction générale du monde médical, à continuer à le gonfler au cours des prochaines années.
C'est le moment que choisit le Centre de sociologie et de démographie médicales (1) pour lancer, sous la forme d'une étude (2), un petit pavé dans la mare. L'exercice est prospectif, il relève de l'anticipation, de la « science-fiction médicale ». Mais, chiffres à l'appui, il tend à prouver qu'une forte hausse du numerus clausus n'est peut-être pas « la » solution aux problèmes récurrents de la démographie des médecins.
A contre-courant.
Qu'est-ce qui fait nager le Csdm à contre-courant ? Les enseignements de l'histoire. Explications : dans un premier temps, l'augmentation du numerus clausus se fera sans heurts et remplira son rôle : récupérer les médecins perdus par les départs à la retraite (avec un numerus clausus à 8 000, il y aura en 2020 6 500 médecins de plus qu'en 2000). Mais arrivera un moment, aux alentours de 2020-2025, estime le Csdm, où le corps médical risque de se sentir pléthorique, notamment parce que les jeunes seront très nombreux en son sein (voir ci-dessous). Grande sera alors la tentation de revoir le numerus clausus à la baisse. Si cette décision est prise, elle sera lourde de conséquences une vingtaine d'années plus tard, aux alentours de 2050, quand les générations de médecins formées en nombre au début du siècle cesseront à leur tour leur activité. La situation ressemblera alors... à celle d'aujourd'hui. Et tout cela peut durer très longtemps.
Un « médecin-boom ».
Au cœur des préoccupation des démographes : ce qu'ils appellent, dans leur jargon, une « bosse des cohortes » et que l'on se représente facilement en se référant au phénomène du « baby-boom » enregistré à l'échelle de la population française entre 1945 et 1964. Pendant vingt ans, la natalité a enregistré une hausse vigoureuse, puis elle a chuté. Les générations nombreuses du baby-boom sont en train d'atteindre la soixantaine. Leur masse fait surgir toutes sortes de problèmes (retraites, dépendance, relations entre les générations, etc.). Pour les médecins, on risque de reproduire exactement le même schéma, s'alarme donc le Csdm. Dans l'hypothèse d'un numerus clausus à 8 000, les médecins qui débuteront en masse dans la carrière médicale à partir de 2010 atteindront l'âge de la retraite à partir de 2045. Si, entre temps, le numerus clausus a été revu à la baisse, alors ils « dépasseront en effectifs (ceux) qui les suivent, le pays devra à nouveau affronter la diminution des médecins et leur vieillissement ».
Pour les experts du Cdsm, l'important, à long terme, « si l'on ne veut pas répéter constamment l'histoire avec des tensions, des cassures », si l'on veut « éviter le désordre établi », est donc d'atténuer le plus possible ce « médecin-boom ». Or pour « lisser » la courbe des effectifs médicaux (voir graphiques), il n'y a pas trente-six solutions. Soit on maintient le numerus clausus à 8 000, sans jamais le baisser, et à ce moment là il y aura en 2050 près de 30 000 médecins de plus qu'aujourd'hui. Soit il faut modérer les ambitions, atténuer aujourd'hui la hausse programmée du numerus clausus et se contenter d'une hausse progressive à 6 000 dont on sait que ses effets seront moins abrupts le jour où l'on reverra les chiffres à la baisse (à 5 000, voire à 4 000, voir graphique). La décision est difficile, puisque, le Cdsm l'admet, « un relèvement moins important du numerus clausus ne permettra pas de combler en totalité le vide laissé par les départs massifs des diplômés de la période pléthorique 1974-1994 ». Court terme ou long terme, il faut choisir.
(1) Alors que tout le monde criait au trop-plein, le Csdm avait été le premier à annoncer, dès 1992, la perspective d'une raréfaction de médecins.
(2) Bui Dang Ha Doan, Danièle Lévy et Jeanne Pavot, « Projection démographique de la profession médicale en France (2000-2050) : quel numerus clausus pour quel avenir ? », Cahiers de sociologie et de démographie médicales, janvier-mars 2004.
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