UN PHÉNOMÈNE jusqu'ici considéré comme totalement anecdotique pourrait finalement jouer un rôle physiologique très important. Les derniers travaux d'une équipe de chercheurs de l'université de Stanford, dirigée par Helen Blau, suggèrent, en effet, que la capacité de certaines cellules de la moelle osseuse à fusionner avec d'autres cellules participerait aux mécanismes de réponse à l'inflammation chronique. Au niveau du cervelet, ce type d'événements serait peut-être même essentiel à la survie de neurones spécialisés, les cellules de Purkinje.
La formation d'hétérocaryons (cellules à plusieurs noyaux) par fusion cellulaire est impliquée dans le développement normal de tissus tels que les muscles squelettiques, l'os ou le placenta. De nombreuses données indiquent, en outre, que des cellules dérivant de la moelle osseuse peuvent fusionner avec d'autres types cellulaires, en particulier avec des cellules musculaires, hépatiques, intestinales ou nerveuses. Ce type d'événements a notamment été observé lors d'expériences de greffe de moelle. Cependant, compte tenu de la fréquence du phénomène, il était jusqu'ici admis que ces fusions n'avaient pas d'importance physiologique.
L'apparition d'hétérocaryons dans le cervelet.
Plusieurs études ayant récemment décrit l'apparition d'hétérocaryons dans le cervelet à la suite de greffe de moelle, Helen Blau et son équipe ont émis une hypothèse un peu osée face au dogme en vigueur : et si la fusion cellulaire avait parfois un rôle ? Les neurones spécialisés du cervelet, les cellules de Purkinje, ont la particularité de ne pouvoir être régénérés. Il semble en effet n'exister aucune cellule souche capable de conduire à leur remplacement en cas de dommage.
Leur fusion avec des cellules dérivant de la moelle pourrait constituer un système de sauvetage ou de protection.
Pour tester cette hypothèse, l'équipe choisit d'utiliser le modèle expérimental de la souris. Dans un premier temps, les chercheurs ont étudié les événements de fusion cellulaire se produisant au niveau du cervelet d'animaux sains.
L'expérience a montré que ces événements sont assez rares, mais que leur survenue ne dépend pas de l'irradiation du corps total qui précède généralement une greffe de moelle. Les chercheurs ont de plus remarqué que la fréquence des fusions était plus importante chez les souris d'une lignée très susceptible aux dermatites chroniques. Cette observation les a conduits à renouveler les mêmes expériences dans une lignée de rongeurs souffrant d'une autre forme d'inflammation chronique, en l'occurrence une inflammation chronique du système nerveux central.
La fréquence des hétérocaryons se formant dans le cervelet de ces souris s'est révélée cent fois supérieure à celle habituellement observée. De plus, Blau et coll. ont montré que ces événements de fusion s'accompagnent d'une reprogrammation de l'activité génétique du noyau apportée par la cellule de moelle. Le programme « précurseur hématopoïétique » s'éteint au profit de celui qui caractérise les cellules nerveuses.
Exprimer des gènes impliqués dans les fonctions neurales.
L'ensemble de ces données suggère que l'état inflammatoire en général, et l'inflammation du système nerveux central en particulier, conduit à la production de signaux destinés au cellules de la moelle. Ces cellules y répondent en rejoignant le cervelet, en fusionnant avec les cellules de Purkinje et en se mettant à exprimer des gènes impliqués dans les fonctions neurales. Cette suite d'événements pourrait protéger les neurones des effets délétères de l'inflammation.
Helen Blau et son équipe comptent rapidement démarrer une nouvelle étude qui permettra de tester cette hypothèse et, si elle est juste, de développer une nouvelle stratégie thérapeutique neuroprotectrice.
Johansson C et coll. « Nature Cell Biology », édition en ligne avancée.
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