Alors que la RMO instaurant l'intervalle entre les frottis est abrogée de longue date, un travail américain publié dans le « New England Journal of Medicine » relance le débat. George F. Sawaya et coll. suggèrent, chiffres à l'appui, que chez des femmes de 30 à 64 ans, ayant eu au moins trois frottis consécutifs négatifs, un rythme triennal est suffisant. Ils fondent leur propos sur l'analyse de 938 576 femmes enrôlées dans la cohorte du programme national de détection précoce des cancers du sein et du col.
Deux aspects importants doivent être relevés dans ce travail. Tout d'abord les données chiffrées ; ensuite, les conséquences d'un ralentissement du rythme de dépistage. Ce dernier thème est abordé dans un éditorial de la revue américaine.
Les chiffres, tout d'abord. Parmi toutes les femmes enrôlées, les scientifiques ont recherché les cancers intraépithéliaux du col, confirmés par biopsie. Ils constatent que chez les 31 728 femmes de 30 à 64 ans, ayant eu au moins trois frottis consécutifs négatifs, la prévalence des lésions de grade 2 est de 0,028 % et, pour le grade 3, de 0,019 %. Aucun cancer invasif n'est relevé. Ce qui donne un risque si un frottis est pratiqué annuellement pendant trois ans ans, de 2 pour 100 000 entre 30 et 44 ans, 1 pour 100 000 de 45 à 59 ans et de 60 à 64 ans. Si le frottis est réalisé trois ans après un dernier examen négatif, ces chiffres passent respectivement à 5, 2 et 1 pour 100 000.
Excès de risque moyen de 3 pour 100 000
Deux données chiffrées essentielles ressortent de ces constats. La première : le ralentissement du rythme des frottis est associé à un excès de risque moyen de 3 pour 100 000. La seconde : pour éviter un cas de cancer pour 100 000 femmes, grâce à un dépistage annuel et non triennal, chez les femmes de 30 à 44 ans, près de 70 000 frottis supplémentaires sont nécessaires et plus de 3 800 colposcopies. Ces chiffres passent à plus de 209 000 et 11 502 chez les patientes de 45 à 59 ans.
En ce qui concerne les femmes de 60 à 64 ans, les auteurs reconnaissent un biais statistique à leur étude. En effet, en raison de la faible prévalence de dysplasie dans cette tranche d'âge, les données semblent imprécises. Elles donnent un résultat similaire que les frottis aient été réalisées tous les ans ou tous les trois ans. De même, avant trente ans, les relations entre la dysplasie et le nombre de frottis antérieurs négatifs ne sont pas interprétables. D'ailleurs les recommandations américaines excluent ces femmes jeunes de la proposition de ralentissement de rythme des frottis.
Autre biais relevé par les auteurs : celui du recrutement. Les patientes de la cohorte sont issues de couches socio-économiques peu favorisées. Une origine connue comme facteur favorisant le cancer du col.
Testées moins fréquemment par inadvertance
Quant aux conséquences du ralentissement, ses aspects négatifs sont évoqués par Sarah Feldman (Boston) dans un éditorial. Elle précise que la résistance au passage triennal est multifactorielle : succès et simplicité du dépistage annuel, implication des patientes dans la recherche d'un cancer et craintes médico-légales des médecins. Ensuite, elle s'inquiète : « Si l'intervalle recommandé entre les dépistages était augmenté à trois ans, des patientes pourraient par inadvertance être testées moins fréquemment. » Une donnée d'importance puisque 10 % des cancers sont constatés chez des femmes qui n'ont pas eu de frottis depuis cinq ans. Surtout, ajoute-t-elle, « étant donné que la moitié des cas de cancer du col survient chez des femmes qui n'ont jamais été dépistées, dépister toutes les femmes au moins une fois contribuerait, davantage qu'un dépistage annuel, à faire diminuer la mortalité par cancer du col ».
Dans ces conditions, Sarah Feldman conseille aux praticiens de ralentir le rythme des frottis chez les femmes à faible risque et compliantes. Chez les non-fiables ou à risque élevé (immunodépression, antécédent de dysplasie), il ne semble pas raisonnable de baisser la fréquence. Le passage à des intervalles plus prolongés doit de toute façon s'accompagner de garanties sur le maintien du dépistage des patientes.
« New England Journal of Medicine », vol. 349, n° 16, 16 octobre 2003, pp. 1495-1496 (éditorial) et 1501-1509.
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