Très américain d'inspiration, Ira Lewis. Hanté par réussite et ratage. La vie, c'est ça. Un combat. On s'en sort ou non. Harry Levine et Jake Manheim ont le même âge ou pas loin : le premier 46 ans, l'autre 50. Cela se passe dans le New York des années 80. Ils sont de la génération d'après-guerre, l'un écrit, veut être romancier, l'autre photographe d'acteurs. Il y a un troisième personnage, la grande ville. Ici Manhattan.
La scène est en février. Dehors on pèle de froid et lorsque Harry pénètre chez Jake, il est transi. Il n'en peut plus. L'autre lui dit qu'il ressemble à un clochard. Et ce n'est pas faux. Hyper-nerveux, Harry sait plus ou moins confusément qu'il a enfin écrit un bon livre. Il veut que Jake le lui dise. C'est son ami, son frère. Mais aussi, il le sait, il lui a piqué beaucoup de sa vie. S'il allait le mal prendre ? Il a besoin de son assentiment. Il se doute qu'il ne l'obtiendra pas... Et c'est bien le cas. Jake est floué, se sent trahi, utilisé. Il n'est pas fier de lui, se vit comme un raté - au contraire de Harry, qui rêve encore.
Richard Berry a adapté, met en scène et joue. Cela fait beaucoup mais on devine dans le spectacle la touche d'Anne Bourgeois, assistante. Elle a bien établi les relations entre les deux interprètes, les deux personnages. Il y a une pile électrique, qui ne cesse de bouger, en mouvement perpétuel, un adolescent nerveux, insatiable, au bord de la violence, Harry. Face à lui un être apparemment impassible ; mais on devine dans son regard, dans ses gestes, ses mouvements, la même nervosité et un désespoir sans doute plus profond. C'est Jake. François Berléand. Tolstoï, le vieux Tolstoï au mur, pour nous rappeler qu'on est ici chez des hommes qui ont lu des livres, eu des espérances, mais que la vie et peut-être une certaine nonchalance en leur jeunesse, a laissé au bord du chemin.
Dans un décor harmonieux, de belles lumières, c'est un affrontement intéressant parce qu'il est très bien joué. Et puis on sent qu'il plaît aux jeunes, d'abord parce que ces deux acteurs sont talentueux et populaires, la jeunesse se reconnaît en eux, même s'ils ont une jolie cinquantaine. Ensuite parce que ce doute et ce navrant naufrage d'Harry et Jake, ont quelque chose d'éternel. Qu'est-ce que réussir, dans la vie ? Et que doit-on payer si on a un désir artistique ? Cela parle de cela, « Café chinois ». Et puis aussi de l'amitié. Un beau thème. Une belle amitié de personnages et de comédiens. Un duo très intéressant.
Théâtre de la Gaîté-Montparnasse, à 20 h 45 du mardi au samedi, en matinée à 18 h le samedi. Durée : 1 h 35 sans entracte (01.43.22.16.18).
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