Morte dimanche dernier à la suite d'une chute, Françoise Giroud a été, entre autres métiers exaltants (elle était scripte, elle est devenue ministre), un des phares du journalisme français.
On ne dira jamais ce qu'elle a apporté à ses genres foisonnants, puisqu'elle a dirigé des magazines et ce brûlot politique que fut « l'Express » de Jean-Jacques Servan-Schreiber à l'époque de la guerre d'Algérie et de Mendès-France. Autant le journaliste doit lutter contre sa propre vanité, autant le lecteur doit établir une différence entre les talents. On peut discuter à l'infini des inconvénients et des avantages de l'autorité, mais on doit savoir que Françoise Giroud, réputée pour sa fermeté, et parfois sa « dureté », à l'égard de ses collaborateurs, ne tolérait pas la médiocrité.
Certes, un rédacteur en chef craint toujours qu'on lui reproche d'avoir publié des articles de qualité inférieure sur lesquels il sera jugé. Mais s'il est exigeant par égoïsme, il l'est aussi pour les autres : les auteurs ont tout à gagner d'un editing qui valorise ce qu'ils publient.
En ce sens, Françoise Giroud a été une authentique journaliste, celle qui tente de hisser la qualité de tout ce qui est publié au niveau de son propre talent, et encore plus haut si c'est possible. Cette vaste et longue leçon qu'elle a donnée à notre profession pendant toute sa vie est ce dont nous, journalistes, devons nous souvenir d'abord.
L'autre leçon, c'est la force de ses engagements : sur l'Algérie, sur l'adhésion aux idées de Mendès-France, dont les dix mois de pouvoir ont été trop brefs pour influencer la politique de la France, mais dont certains d'entre nous se souviennent encore avec éblouissement, sur la condition féminine et sur beaucoup d'autres choses, elle a mené ses combats sans jamais élever la voix, qu'elle a toujours eue douce et discrète, et avec le sourire.
La question qui nous dévore tous sur la discrimination entre articles d'information et commentaires, elle l'a résolue d'emblée, sans doute parce qu'elle a appris ce métier (comme les autres) sur le tas. S'engager, c'est forcément s'aliéner une partie de ses lecteurs. Mais s'engager, c'est aussi être sincère et confier cette sincérité à la sagacité du lecteur. Raymond Aron a quitté « le Figaro » parce que, disait-il, les lecteurs du célèbre quotidien ne supportaient pas qu'on leur dise certaines choses ; mais, avec JJSS, Françoise Giroud a en quelque sorte choisi son lectorat.
Plus tard, en 1964, « l'Express » est devenu le magazine à l'américaine que nous connaissons aujourd'hui. Preuve qu'il n'y a pas de succès de presse qui ne passe par une sorte de normalisation. Mais les batailles commencées par Françoise Giroud continuent pour tous les révoltés qu'elle a fait naître.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature