François Roustang a créé il y a plus de quinze ans avec Jean-Marc Benhaiem le premier diplôme Universitaire d’enseignement au sein du département d’anesthésie de la Pitié. Cet enseignement multidisciplinaire a formé des centaines de praticiens : des anesthésistes, des généralistes, des psychiatres, des sages-femmes , des psychologues et d’autres spécialités. La présence de François Roustang au sein de cet enseignement est centrale. En effet il a apporté une vision nouvelle et originale dans l’approche et la compréhension du « phénomène hypnotique » en analysant tout le long de ses écrits, les moyens d’entrer en hypnose, mais surtout la position du praticien et la nature de la transe qu’il nomme « perceptude ».
Présence intense
Sa pratique antérieure de la psychanalyse, sa rencontre avec Lacan, son immense savoir et sa curiosité perpétuelle pour comprendre « l’Homme » lui a permis une analyse pertinente et novatrice dans l’approche du mécanisme hypnotique. Dans ses nombreux livres et articles, on retrouve cette expérience qui s’appuie toujours sur l’observation et ses connaissances. La réflexion qu’il menait sur la position du praticien et sur son indispensable présence interroge chacun de nous dans notre quotidien. Tous ceux qui l’ont rencontré, ont suivi son enseignement, ses supervisions ont remarqué cette écoute, cette observation et cette attention très particulière : cette présence si intense vis-à-vis de son ou ses interlocuteurs. Cette « posture » indispensable dans la présence thérapeutique est probablement l’un des éléments majeurs qui autorise le patient à vivre son expérience hypnotique. Si la nature de la transe reste néanmoins étrange, François Roustang nous a permis quand même de l’éclairer quelque peu. Cette espace hypnotique qu’il nomme « perceptude » et qu’il rattache à une « perception généralisée » est la source du mouvement et du changement du patient. Cette perception généralisée induite par les suggestions dans laquelle il n’y a plus à réfléchir, à penser et dans laquelle le patient retrouve un mouvement, une danse, sans appui est l’une des réflexions que François Roustang nous invite à partager tout le long de ses textes et des documents vidéos. Il a su transmettre cette vision et cette approche au sein du diplôme universitaire de la Pitié. Cette dernière autorise le praticien à remettre en cause une approche plus classique dans laquelle la « présence » n’est pas au cœur de la prise en charge thérapeutique.
Une pratique déstabilisante
Pour nous anesthésistes, sa pratique est quelque peu déstabilisante. Néanmoins elle est pour moi la source de toute ma pratique. Elle recentre la relation patient-praticien au sein d’une « correspondance ». Elle attire mon attention sur deux notions : la présence et la rencontre. Il n’y a pas d’outils hypnotiques sans présence du praticien dans la rencontre. C’est cette présence qui autorise le patient à s’absenter et donc à changer ses perceptions ordinaires (celles du bloc opératoire par exemple). Comme le soulignait Francois Roustang, c’est le « premier temps de l’hypnose ». Néanmoins ce premier temps est indispensable dans notre prise en charge de la douleur aiguë, de l’inconfort chirurgical et du stress environnemental.
Ne rien faire dans le silence
Il m’a appris aussi à « ne rien faire ». Paradoxe pour une spécialité où il faut faire. Cette attitude renforce ma présence. Elle autorise, comme le souligne son ami Gaston Brosseau, professeur de psychologie clinique au Québec, le retour au point « zéro » et l’ouverture ou la réinitialisation des cinq sens. Cette posture nous permet d’être « là » dans la présence thérapeutique et non dans un exercice de simple communication. Elle nous ouvre à l’expérience hypnotique, et probablement à l’expérience du silence. Le silence : trop souvent oublié dans la relation hypnotique. François Roustang le replace comme élément central de la perception du corps. C’est dans le silence que l’on abandonne les perceptions ordinaires, c’est là que s’ouvre probablement l’espace de « perceptude » dans lequel il n’y a plus d’appui, plus de réflexion et que notre rapport à l’extérieur change. La pensée de François Roustang est rentrée dans les blocs opératoires !
Echanges riches
Nous avons reçu François Roustang et Jean-Marc Benhaiem deux fois au sein du Groupe hospitalier Paris-Saint-Joseph pour une table ronde « autour de l’hypnose ». Nos échanges furent riches. Il a su nous éclairer dans notre approche médico-chirurgicale. Il a su nous encourager dans nos premiers pas dès 2009 dans la prise en charge des patients au bloc opératoire et en particulier dans la chirurgie dite lourde que représente celle de la carotide par exemple.
Curiosité immense Sa curiosité était immense jusqu’à la fin de sa vie. J’ai eu la chance de le rencontrer et d’échanger avec lui sur plusieurs thèmes qui sont au centre de la pratique : la présence du praticien, le rapport entre cette présence et l’absence hypnotique, l’apport de la méditation et du silence dans la relation hypnotique…; à chaque fois il m’éclairait, sans complaisance mais toujours avec justesse et bienveillance. Nous n’entendrons plus François Roustang en direct. Il va nous manquer. Néanmoins il reste : « Il suffit d’un geste, la fin de la plainte, savoir attendre et tant d’autres choses. » Lire, relire François Roustang et comme nous le disons souvent : il y a tout !
Docteur Marc Galy, Groupe hospitalier Paris-Saint-Joseph
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