FRANÇOIS MONIER fait partie des rares experts des tuyauteries financières de la Sécu qui, préférant l'ombre à la lumière, s'exprime surtout à travers des rapports et avis officiels. Une fois n'est pas coutume, le discret secrétaire général de la commission des comptes de la Sécurité sociale (1), qui fait aussi partie des trois experts mandatés pour donner « l'alerte » en cas de dérapage des dépenses d'assurance-maladie, est sorti de sa réserve à l'occasion des Rencontres Lipp de la santé, organisées par « Décision Santé » en partenariat avec « le Quotidien » (2).
François Monier approuve plusieurs mesures contenues dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2008, en particulier les franchises par boîte de médicament, par acte paramédical et par recours aux transports sanitaires. «Cette solution est meilleure que la franchise globale», a-t-il souligné. En tant que membre du comité d'alerte (au côté de Jean-Michel Charpin, de l'INSEE, et de Michel Didier, de l'institut Rexecode), il s'est bien sûr déclaré «satisfait» du nouveau dispositif prévu par l'article 25 du PLFSS, pour prévenir les dépassements en cours d'année au-delà de l'objectif de dépenses d'assurance-maladie (ONDAM). François Monier considère que la suspension des revalorisations tarifaires (voire leur possible report au 1er janvier de l'année suivante), en cas de «risque sérieux de dépassement» de l'ONDAM, est «une bonne mesure» qui «peut fonctionner».
Des « forces de rappel » disparues.
Sur le long terme,le secrétaire général de la Commission des comptes de la Sécurité sociale déplore qu' «on accepte durablement les déficits importants depuis les années 1990». C'est en partie, dit-il, la faute à l'euro. Non seulement la nouvelle monnaie européenne atténue artificiellement le chiffrage des déficits dans l'opinion, mais elle «conduit à être moins vertueux». Auparavant, a-t-il fait valoir, les risques de dévaluation monétaire étaient des «forces de rappel» qui incitaient à boucher rapidement le trou de la Sécu.
L'accumulation des déficits a conduit à la constitution d'une dette sociale, jugée «injustifiable» par François Monier. «La Sécurité sociale n'a pas été conçue comme ça, a-t-il poursuivi. Ce qui a permis l'endettement, c'est la CADES (Caisse d'amortissement de la dette sociale) . On fait financer les retraites et les dépenses d'assurance-maladie d'aujourd'hui par les générations futu-res. Or les perspectives de vieil-lissement plaideraient plutôt en faveur de la constitutiond'excédents en prévision, comme le font certains pays».
Compte tenu des «deux branches structurellement déficitaires» (vieillesse et assurance-maladie), François Monier préconise «une meilleure maîtrise de la dépense», touchant notamment tous les postes de la santé. Pour l'ONDAM, «il faut une projection pluriannuelle réaliste et s'y tenir ensuite. Jusqu'à présent, on n'a pas su le faire».
Côté recettes, il est possible de les «augmenter un peu, mais il faudra le faire le moins souvent possible», du fait du taux de prélèvements obligatoires déjà «élevé en France». La contribution sociale généralisée (CSG) a sa préférence. «C'est le meilleur impôt, a-t-il assuré, avec des vertus non négligeables: une assiette très large et pas d'impact mauvais» (comparé à l'effet inflationniste de la TVA).
(1) Cette commission réunit, deux fois par an, partenaires sociaux et représentants du monde de la santé sous la houlette du ministre du Budget et des Comptes publics. Ses rapports successifs retracent l'évolution des comptes dans chacune des branches pour l'exercice passé ou en cours, et donnent des estimations prévisionnelles pour l'année suivante.
(2) Rencontres Lipp de la santé sur le thème : « Les comptes de l'assurance-maladie : l'impossible retour à l'équilibre ? ».
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