DE NOTRE ENVOYÉE SPÉCIALE
C’EST UNE VISITE « non électorale » que le candidat UDF à l’élection présidentielle a rendue aux médecins, aux personnels et aux patients de l’hôpital Charles-Perrens, à Bordeaux. François Bayrou l’a assuré à la cinquantaine de psychiatres, de personnels, de malades mentaux conviés à « dialoguer » avec lui : il est venu les rencontrer pour les écouter, «sans baguette magique».
Pas de poudre de perlimpinpin, donc, dans les poches de l’élu béarnais mais, dans son sillage, une horde de cameramen et de photographes. Escorte qui constitue un premier motif de satisfaction pour les professionnels bordelais. «Nous travaillons dans un isolement extrême, regrette l’un d’eux, ce n’est pas souvent que nous voyons dans nos murs autant de journalistes.»
Visiblement très sensible à la question psychiatrique, François Bayrou, qui rappelle que c’est dans sa circonscription que s’est joué le drame de Pau (1), n’a pas de doute sur le poids du dossier : «J’ai voulu venir pour une raison précise. Le secteur psychiatrique est l’un des sujets les plus importants de la société dans laquelle nous vivons. C’est une grande question pour les prisons, pour la justice et pour tous ceux qui trinquent et qui sont souvent les plus fragiles. Vous êtes des clés pour l’avenir.»
Dans la salle, un syndicaliste malin est allé compter les points sur le site Internet du candidat UDF. «J’ai inscrit “psychiatrie” comme mot clé, j’ai trouvé… zéro résultat. Ensuite, j’ai tapé “entreprise” et obtenu… 306résultats, rapporte-t-il au principal intéressé qu’il apostrophe en ces termes : «La psychiatrie mériterait quand même de figurer parmi vos 100propositions.» Pirouette du candidat, rompu à l’exercice : sa visite à l’hôpital bordelais va, au moins sur Internet, permettre de rattraper les choses, rétorque-t-il. Quand on entrera « psychiatrie » sur son site sera désormais rapporté son dialogue avec les professionnels de Charles-Perrens.
Pas de démagogie.
Sur le fond, François Bayrou a écouté attentivement les doléances de la psychiatrie. Et entendu que la profession rejetait unanimement la loi – qu’il n’a pas votée – de prévention de la délinquance, que la création d’un Ordre infirmier – par lui approuvée – ne faisait pas recette à l’hôpital psychiatrique, que la «dégradation des soins», le «manque de moyens», la «montée de la violence» étaient le lot quotidien des médecins et des personnels de Charles-Perrens. Le représentant d’une association de patients a dénoncé «l’indignité» des conditions de l’hospitalisation psychiatrique et glissé, en passant, que les familles des malades psychiatriques, «ça en faisait des électeurs, 600000 personnes au minimum!».
Toujours sur sa ligne « non électorale », le candidat UDF n’a pas fait dans la démagogie. Aux professionnels, aux malades, il n’a rien promis et ne s’est pas gêné, parfois, pour asséner des convictions difficiles à entendre. Les logiques comptables à l’oeuvre à l’hôpital ? «Elles existent et d’ailleurs, pour moi, elles ne sont pas anormales. Il faut penser aux comptes aussi.» Faut-il donner davantage de moyens à la psychiatrie ? «Le problème, c’est que toute la société française a besoin d’argent. Tous les ans, on emprunte 10milliards d’euros pour notre santé que l’on demande à nos enfants de rembourser. Comment justifier que nous refusons de prendre en charge nos dépenses de santé et que nous les transmettons à nos enfants? Nous devons nous arrêter et nous demander, tous ensemble: qu’est-ce qu’on fait?»
A un infirmier qui s’inquiète de l’allongement de l’âge du départ à la retraite, mettant en avant la pénibilité de son travail, le candidat UDF répond du tac au tac : «Il va y avoir une réforme des retraites, y compris des régimes spéciaux, je vous le dis avec certitude.»
Sans les ménager, François Bayrou fait appel à la responsabilité de ses interlocuteurs et prône un renversement de logique. Des changements sont indispensables, leur dit-il en substance, mais «ils doivent venir de vous et ne peuvent pas vous être imposés par un plan». Au président de CME qui s’alarme des dysfonctionnements qu’il observe chaque jour dans son hôpital, il lance : «Dans votre position, vous devez pouvoir en 48heures faire entendre le diagnostic des aberrations que vous constatez. On ne devrait pas avoir le choix de vous écouter ou de ne pas vous écouter. La gestion de l’hôpital par le haut, uniquement sur logique comptable, ça ne marchera pas.»
Au fond de la salle, une très jeune patiente de l’hôpital Charles-Perrens, hospitalisée après une tentative de suicide, n’a pas perdu une miette de tous ces échanges. La démarche de François Bayrou la laisse extrêmement perplexe, et elle le lui dit, démontant fort habilement tous les rouages du (malgré tout) candidat en campagne : «Vous reformulez tout, mais vous ne proposez rien. Qu’allez-vous faire pour la psychiatrie si vous êtes élu?» Réponse… une autre fois. Invité du 19/20 de France 3, François Bayrou doit partir.
(1) En décembre 2004, une infirmière et une aide-soignante de l’hôpital psychiatrique de Pau ont été assassinées par un patient.
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