ALORS QU'UNE GRÈVE se prépare pour protester contre l'instauration d'une part complémentaire variable sur le salaire des praticiens hospitaliers ( « le Quotidien » d'hier), le Dr François Aubart, président de la CMH (Coordination médicale hospitalière), défend vigoureusement le nouveau dispositif au nom de la «nécessaire promotion du service public hospitalier». Le Dr Aubart rappelle que c'est «la persistance de la crise de la chirurgie» qui a porté la part variable sur les fonts baptismaux. Quand «86% des jeunes chirurgiens s'installent en privé et en secteurII», l'enjeu, décrypte-t-il, est de reconnaître les chirurgiens publics pour ce qu'ils font afin de les inciter à choisir l'hôpital plutôt que l'exercice libéral.
Des garde-fous contre le stakhanovisme.
En pratique, chaque équipe chirurgicale qui le souhaite peut désormais, pour peu qu'elle fonctionne dans un établissement réalisant au moins 2 000 interventions par an – un seuil lourd de sens, puisqu'il choisit de ne pas promouvoir les petits blocs –, signer avec son directeur d'hôpital un contrat collectif, fondé sur des indicateurs d'activité et de qualité. Si, au bout d'un an, l'équipe a rempli ses objectifs, la part variable (plafonnée à 15 % du salaire des praticiens) lui est versée ; libre à elle en interne de choisir de répartir ce « bonus » à égalité entre ses membres ou de le pondérer en fonction de l'activité de chacun.
Depuis la parution de l'arrêté le 29 mars, François Aubart a entendu toutes les critiques. «On accuse la part variable, résume-t-il, d'être facteur de productivisme, de remettre en cause le statut unique des PH, de grignoter pour les seuls chirurgiens le budget de l'hôpital, de soumettre les médecins à l'arbitraire administratif puisque les indicateurs sont définis localement...» ; il démonte un à un tous ces éléments. «La part variable est faite pour éviter les risques de stakhanovisme », argumente-t-il. Les indicateurs couplés d'activité et de qualité sont une première garantie et, le président de la CMH insiste, «si l'on peut demander à de gros hôpitaux dans la détresse chirurgicale d'augmenter leur activité, on ne va évidemment pas le faire pour les hôpitaux qui ont déjà aujourd'hui une grosse activité». Au chapitre de la casse du statut unique, le Dr Aubart rappelle que, de fait, «l'inéquité de traitement» existe déjà entre les PH : par exemple, «à exercice identique sans exercice privé et à contraintes identiques, on constate une différence de rémunération d'environ 30% entre les spécialités rémunérées par comptage horaire (urgences, anesthésie) et les autres».
Les chirurgiens, mieux lotis que les autres ? Chacun son tour, répond le Dr Aubart, qui cite les plan Urgences ou Cancer, lesquels ont en leur temps privilégié certaines spécialités à l'hôpital. Le syndicaliste en profite pour répéter que, à terme, toutes les spécialités doivent être concernées par la part variable – un courrier qui lui a été adressé le 22 mars par l'ancien ministre de la Santé Xavier Bertrand fait d'ailleurs de «l'application de cette mesure aux praticiens d'anesthésie-réanimation dès l'année 2007» une «priorité». Quant aux questions de budget, le Dr Aubart affirme que les chirurgiens ne prennent de crédits à personne en 2007, 40 millions d'euros ayant été spécifiquement fléchés, grosso modo répartis à 50-50 pour la part variable et pour la prime d'activité sectorielle (voir encadré). «Nous n'avons pas l'impression, se défend-il, de jouer avec cette question un rôle catégoriel, nous agissons pour la sauvegarde et la rénovation du service public hospitalier tout entier.»
Enfin, le Dr François Aubart relativise la dimension « révolutionnaire » de la part variable. «C'est une grande innovation, mais ce n'est pas une innovation absolue. Dans la fonction publique territoriale, il y a déjà des primes de ce type. Et sans aller chercher aussi loin, la “prime de service”, très ancienne, qui existe pour les agents hospitaliers et qui a instauré des avantages sélectifs liés à la qualité des services rendus, à l'assiduité... n'a, que je sache, pas remis en cause la notion de service public à l'hôpital.» Le Dr Aubart estime que les premiers contrats chirurgicaux de part variable pourraient être signés «dans les semaines qui viennent» par les chefs de pôle. Il juge que plus de 50 % des équipes concernées devraient s'engager dans le dispositif.
Une prime pour les psychiatres
Les psychiatres peuvent désormais bénéficier d'une « prime d'activité sectorielle ». Versé sous la forme d'une indemnité mensuelle, ce bonus (rétroactif au 1er janvier) correspond à la prime d'exercice multisite que touchent depuis huit ans les autres spécialistes hospitaliers lorsqu'ils exercent dans plusieurs établissements. Pour la toucher, les psychiatres doivent effectuer au moins trois demi-journées de travail dans deux lieux différents en sus de leur site d'affectation principale ou bien quatre demi-journées dans un lieu distinct de leur lieu d'activité principal. Le Syndicat des psychiatres de secteur (SPS) estime que cette «restriction», qu'il déplore, «limite à approximativement 45% le nombre de psychiatres qui pourront bénéficier de cette mesure».
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