Chers concitoyens,
Il arrive que les sondages vous fassent dire ce que vous ne pensez pas. Mais si ce qu'ils affirment en ce moment est vrai, c'est que vos idées ne sont pas claires.
En effet, vous ne pouvez pas déclarer, à une large majorité, que l'Amérique agit en légitime défense et condamner tout à la fois, à 77 %, les bombardements parce qu'ils entraînent des pertes civiles. Certes, l'expression de « dommages collatéraux » est odieuse parce qu'elle attribue au hasard la mort d'innocents. Mais le terme de « frappes chirurgicales » n'est pas non plus très crédible. Il présente même l'inconvénient de recouvrir d'une respectabilité médicale ce qui n'est qu'une technique de combat aléatoire.
Dans ces conditions, pourquoi ne pas admettre que les raids contre l'Afghanistan provoquent forcément des pertes civiles et que le choix n'existe pas entre bombardements bénins et bombardements atroces ? Pourquoi ne pas admettre que toute guerre est atroce, mais qu'il y a malheureusement des guerres nécessaires ?
Il est vrai que le temps finit par atténuer le chagrin. Il n'en est pas moins vrai que le crime contre New York et Washington a fait six mille morts, tous en paix et tous civils. Il ne faut pas l'oublier un peu trop vite. Il n'y a pas de gouvernement qui ne tente de sanctionner comme il se doit une agression massive contre ses administrés. M. Bush s'est entouré de toutes les précautions possibles et imaginables avant de lancer l'assaut contre l'Afghanistan des taliban. Et même si on peut juger dérisoire « l'aide humanitaire » qu'il largue en même temps que ses bombes, même s'il tente, par cette aide, de se disculper aux yeux des pays arabes et musulmans, il est sincère quand il affirme ne pas en vouloir au peuple afghan, mais seulement à un gouvernement qui a la responsabilité des attentats.
En d'autres termes, chers concitoyens, je vous propose de ne pas céder à l'hypocrisie : des dirigeants peuvent, par métier, s'y résigner, mais aucun Français dépourvu de responsabilités particulières ne peut travestir son jugement personnel.
Ne nourrissez pas un complexe de culpabilité qui affaiblit votre raisonnement. Personne, en France, ne combat une religion ou une culture. Une société structurée et cartésienne comme la nôtre a simplement besoin de se protéger contre l'insécurité, celle du dedans et celle du dehors.
Car nous avons des arguments. Nous pourrions, par exemple, nous étonner de ce qu'il n'y ait pas eu à ce jour un ou plusieurs intellectuels musulmans pour rappeler, en plein délire antiaméricain, qu'il y a deux ans à peine, l'Amérique, avec les autres pays membres de l'OTAN, a bombardé la Serbie et le Kosovo pour protéger des musulmans menacés d'extermination ; de la même manière que des soldats américains et européens campent en Bosnie pour assurer la sécurité des musulmans.
Or, pour sauver des milliers de vies musulmanes (et ici même, dans ces colonnes, nous avons soutenu avec vigueur le combat des Occidentaux contre l'« épuration ethnique », ce qui ne nous a pas toujours valu des compliments), il a bien fallu fallu bombarder Belgrade et, malheureusement, tuer beaucoup de Serbes, chrétiens de surcroît.
Le droit de vivre
C'est assez dire que le procès fait aux Etats-Unis par les fanatiques n'a aucun fondement. Nous sommes, chers concitoyens, du côté de ce premier droit qu'est le droit à la vie. Et nous n'avons aucun compte à rendre à ceux qui nous accusent de fomenter contre leur culture on ne sait quel complot international. Ils mentent ; et la meilleure preuve en est qu'ils n'ont pas toujours des amis dans le camp qu'ils prétendent défendre. En dépit des manifestations organisées en Egypte, en Indonésie ou même à Gaza contre l'Amérique, certains leaders arabes n'ont pas hésité à dénoncer le comportement d'Ossama Ben Laden et de sa qaida. L'événement le plus surprenant de ces derniers jours n'est pas qu'Israël ait rejeté tout lien entre le conflit avec les Palestiniens et les attentats anti-américains, c'est que la dirigeante palestinienne Hanane Achraoui partage la même analyse : « Le peuple palestinien, a-t-elle déclaré à l'AFP, n'est pas un jouet entre les mains de n'importe quel individu qui veut échafauder des plans car notre cause a sa propre spécifité et ne sera un alibi pour personne. »
On conviendra que l'attitude de Mme Achraoui a pour objectif de laver les Palestiniens de l'accusation de terrorisme. Elle n'en traduit pas moins un rejet de la « cause » que Ben Laden prétend défendre.
Ici même, nous n'avons cessé de l'écrire : Ben Laden ne s'intéresse pas aux Palestiniens. Pour nourrir sa mégalomanie, il lui fallait attaquer le plus puissant de ses ennemis, et à travers lui, tout ce que nous sommes. Si les symboles ont un sens, la destruction des tours du World Trade Center constitue une tentative pour détruire le système démocratique et parlementaire, la société postindustrielle et arrêter net cet inévitable tropisme du genre humain vers l'organisation d'une société décente et laborieuse. C'est un assaut du Moyen Age contre la modernité. L'enjeu est considérable et nous ne devons pas craindre d'utiliser les grands moyens pour vaincre nos agresseurs.
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