COMMANDÉ conjointement par Xavier Bertrand, ministre de la Santé, et par Nicolas Sarkozy, ministre de l’Intérieur, un rapport d’évaluation sur la permanence des soins (PDS) a été confié le 29 septembre 2005 à l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) et à l’Inspection générale de l’administration (IGA). Xavier Bertrand en attendait les conclusions avant d’organiser sa réunion de l’ensemble des acteurs de la PDS afin de mettre à plat les problèmes rencontrés dans l’organisation de la garde et d’y apporter les remèdes nécessaires.
De ce point de vue, les travaux des deux inspections, dont « le Quotidien » a pu se procurer une copie, apportent effectivement leur contribution à l’édifice, même s’il n’est pas sûr que les médecins libéraux, pierre angulaire de l’organisation de la PDS, approuvent toutes ses conclusions. Car, pour les auteurs de ce rapport, le dispositif de la PDS est «inachevé, fragile, pas fiable». Le financement de la garde est jugé «éclaté» et son pilotage «trop complexe».
Si l’Igas et l’IGA reconnaissent que la sectorisation «a été revue ou confirmée dans presque tous les départements», et que le paiement des astreintes sur la base de l’avenant 4 à la convention «est généralisé», elles notent que des difficultés apparaissent «tant dans l’organisation de la régulation qu’au plan de la disponibilité des effecteurs de terrain». Les auteurs constatent que, selon les secteurs et les périodes, des effecteurs font défaut sur le terrain, et que la régulation des appels «souffre de son engorgement, ainsi que d’une insuffisante coordination entre ville et hôpital, lorsqu’elle est autonome».
Des insuffisances dues, selon le rapport, au caractère volontaire de la participation à la PDS, «qui conduit à des réponses différentes des libéraux». Et ne permet pas au public de s’orienter correctement dans le système.
400 millions d’euros en 2006.
S’agissant du coût financier de la garde, les auteurs n’hésitent pas à remettre en cause les chiffres généralement avancés, notamment celui de 60 millions d’euros, cité par les partenaires conventionnels lors de la signature de l’avenant n° 4. Ils citent notamment des données de la Cnam (Caisse nationale d’assurance-maladie) qui font apparaître des coûts hors MMG (maisons médicales de garde) de 226 millions d’euros pour 2004 et de 302 millions pour 2005. Si l’on ajoute à ces montants les fonds débloqués par le Faqsv (fonds d’aide à la qualité des soins de ville) et par certaines dotations des réseaux, on arrive, calculent les auteurs, à des coûts proches de 300 millions d’euros pour 2004 et de 320 pour 2005. Selon leurs estimations, ces montants devraient avoisiner les 400 millions d’euros en 2006. Pour l’Igas et l’IGA, «dans certains cas où il y a très peu d’actes réalisés malgré le paiement d’astreintes revalorisées, on peut s’interroger sur l’effectivité du service rendu à l’usager».
Confusion des rôles.
Les auteurs du rapport se sont attachés à analyser le système de pilotage de la PDS, qu’ils jugent trop complexe. Ils soulignent en préambule «la dualité des rôles entre l’Etat et l’assurance-maladie qui a pu donner le sentiment d’une appréciation contradictoire des enjeux de la PDS». Et signalent «les instructions données par l’assurance-maladie par circulaire interne (qui) ont conduit à des interprétations parfois différentes de l’application du décret du 7avril 2005 avec les services de l’Etat», notamment sur le niveau de la sectorisation et sur les moyens de la régulation.
Ils jugent que, à l’échelon régional, «la confusion des rôles et des intérêts est forte», et que les positions de l’Urcam (union régionale des caisses d’assurance-maladie), du Faqsv régional, de l’ARH (agence régionale de l’hospitalisation) et de l’Urml (union régionale des médecins libéraux) «peuvent être divergentes ou pour le moins répondre à la poursuite d’objectifs spécifiques, occultant parfois une approche globale de la question». Quant à l’échelon local, à savoir le préfet et la Direction départementale des affaires sanitaires et sociales (Ddass), «il ne dispose pas du pouvoir réel de mobilisation de ressources, ni de la souplesse réglementaire qui permettraient d’établir des accords locaux viables».
Si bien que, une fois posé ce sombre diagnostic, les auteurs du rapport proposent «un pilotage unifié du dispositif à tous les échelons de la prise de décision» : au niveau national, ils estiment qu’il revient à l’Etat de définir les orientations et la maîtrise du financement extraconventionnel de la PDS, avec des possibilités «d’ajustements aux spécificités locales». A l’échelon régional, il devrait constituer «un niveau d’appréhension des besoins, de prévision des financements, d’évaluation et de contrôle». Les auteurs préconisent d’ailleurs de confier ce rôle aux ARH (agences régionales de l’hospitalisation).
Au niveau départemental, enfin, devrait être négociée l’organisation de la régulation et de l’intervention sur le terrain, «en fonction des financements disponibles et délégués par l’échelon régional».
Des changements profonds.
En matière d’organisation, les auteurs du rapport préconisent un certain nombre de changements. Pour la régulation, ils proposent la mise en place «ou la consolidation de régulations mixtes (Samu-libéraux) regroupées». Ce point constitue d’ailleurs pour eux «une priorité». Ils déconseillent la création de nouvelles régulations libérales, «source de conflits et de difficultés, d’autant que leur professionnalisation est loin d’être totalement acquise». Selon eux, la solution d’un numéro unique d’appel est à retenir.
Le rapport insiste sur l’utilité d’étendre les horaires de la PDS, qu’il s’agisse des régulateurs ou des effecteurs, au samedi après-midi. De plus, estimant le coût d’un acte de PDS après minuit à environ 1 000 euros (le rapport ne précise cependant pas d’où il tire ce chiffre), les auteurs recommandent de désigner l’hôpital pour assurer cette mission après minuit. Pour ce qui est du financement du dispositif, ils suggèrent la mise en place d’une rémunération à l’activité «plutôt qu’une revalorisation d’astreintes au montant déjà élevé». Les auteurs ne jugent pas «illégitime» que les actes effectués en milieu de nuit puissent être revalorisés en contrepartie d’une sectorisation plus ramassée.
En conclusion, et pour éviter «des pratiques potentiellement génératrices d’incidents importants», les auteurs préconisent la rédaction d’un nouveau cahier des charges recensant les bonnes pratiques en matière de régulation et d’effection.
Nul doute que ce rapport va faire du bruit dans le landerneau de la permanence des soins. Si les libéraux vont sans doute accueillir avec plaisir la proposition de confier la PDS à l’hôpital après minuit, ils vont tiquer sur la proposition d’un paiement fondé sur la revalorisation de l’acte plutôt que sur le versement d’une astreinte. Même chose pour la mise en avant d’une régulation mixte Samu-libéraux.
Quoi qu’il en soit, toutes les conditions sont maintenant réunies pour la tenue de la grande réunion au ministère de la Santé de l’ensemble des acteurs de la PDS. Xavier Bertrand n’attendait que la publication du rapport pour lancer l’invitation. C’est maintenant chose faite.
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