PLUS DE 15 000 médecins libéraux ont manifesté, mercredi à Berlin, contre la politique de santé du gouvernement allemand, tandis que plusieurs milliers d’autres ont défilé dans plusieurs villes, notamment à Munich, Sarrebruck et Fribourg, ainsi qu’en Rhénanie. Près de 50 000 médecins ont par ailleurs fermé leur cabinet mercredi, soit près d’un sur deux, un nombre jamais atteint dans l’histoire du pays.
Cette forte mobilisation des médecins, nettement supérieure à leurs propres prévisions, illustre le ras-le-bol général de la profession, confrontée depuis des années à des plans de rigueur de plus en plus sévères, qui n’ont pas pour autant endigué durablement l’évolution des dépenses de santé. Les actes sont de plus en plus sévèrement contrôlés, et les honoraires, calculés en points et non en euros, diminuent lorsque les volumes augmentent au-delà d’un certain seuil.
Le gouvernement d’Angela Merkel envisage, au printemps, d’introduire un système de bonus-malus pour les médecins, avec, comme il y a quelques années, des rétrocessions d’honoraires pour les praticiens qui prescriraient plus que les volumes autorisés. Si ce projet constitue, pour les médecins, la goutte d’eau qui fait déborder le vase, les racines de leur colère sont bien plus anciennes. Outre la maîtrise comptable, ils s’insurgent contre le poids croissant des tâches administratives dans leur activité, qui leur prend, selon eux, jusqu’à 20 % de leur temps.
Un tiers des médecins gagnent entre 1 600 et 2 000 euros par mois.
Si beaucoup de praticiens libéraux continuent à gagner correctement leur vie, près d’un tiers d’entre eux, selon les unions professionnelles chargées du recouvrement des honoraires, gagnent entre 1 600 et 2 000 euros par mois, soit moins que le revenu moyen dans le pays. Près d’un tiers des cabinets pourrait, selon les unions, faire faillite dans les années à venir, car la limitation de l’activité des médecins, couplée aux déremboursements massifs de certaines prestations autrefois prises en charge, ne leur permet plus de faire face à leurs dépenses. Le poids de la bureaucratie, les conditions de travail et les perspectives financières peu attractives poussent de nombreux jeunes à se détourner des études médicales, tandis que beaucoup de jeunes diplômés préfèrent se reconvertir dans d’autres activités ou s’expatrier. A moyen terme, le pays risque d’être confronté à une pénurie dramatique de médecins, qui est déjà une réalité dans certaines régions de l’Est.
La journée du 18 janvier, fortement médiatisée, a été l’occasion pour tous les médecins d’exprimer leur mécontentement et leurs problèmes face à l’opinion publique. Le gouvernement, lui, a réagi avec un certain mépris : la ministre de la Santé, Ulla Schmidt, déjà en fonction sous Gerhard Schröder, estime que leurs protestations étaient «tout à fait exagérées». Selon elle, les médecins libéraux gagnent en moyenne 80 000 euros net par an, une fois leurs frais déduits, et leurs revenus progressent tous les ans de 1,5 %, chiffres formellement contestés par toutes les organisations médicales, y compris l’Ordre des médecins. Le président de ce dernier, le Pr Jörg Dietrich Hoppe, a estimé que cette mobilisation «n’était que le début d’un vaste mouvement de colère, car les médecins ne veulent plus être les agents du rationnement des soins, sur le dos de la population».
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