REMIS lundi par Yvon Berland à Xavier Bertrand, ministre de la Santé, le deuxième rapport de l’Observatoire national de la démographie des professions de santé (Ondps) met à nouveau en évidence le paradoxe de la démographie médicale : un nombre global de professionnels de santé toujours en hausse, un vieillissement de certaines professions et une inégalité persistante de leur répartition sur l’ensemble du territoire.
Côté médecins dans leur ensemble, une analyse superficielle de ce rapport pourrait laisser croire que tout va bien. Généralistes et spécialistes confondus, hospitaliers, libéraux, salariés ou MEP, ils étaient en effet 205 864 à exercer au 1er janvier 2005 (un nombre en hausse de 1,2 % par rapport à l’année précédente). Mais leur âge moyen ne cesse de croître et la part de ceux qui ont plus de 55 ans est passée en un an de 24 % à 26,2 % de l’ensemble de la population médicale.
Les projections réalisées à l’horizon de 2025 ne sont guère réjouissantes car l’ensemble des médecins pourrait en effet passer d’environ 205 000 à un peu plus de 180 000. Une baisse démographique presque entièrement supportée par les médecins libéraux, dont la population baisserait de 17 % ; le secteur salarié hospitalier devrait augmenter pour sa part de 4 % pendant la même période.
Quant à leur répartition sur le territoire, malgré un héliotropisme marqué qui pousse les médecins à s’installer plus souvent dans le sud que dans le nord, le rapport constate que «peu de territoires présentent de réelles difficultés d’accès aux soins de premier recours. (...) Mais, si la situation globale n’apparaît pas alarmante aujourd’hui, les difficultés réelles rencontrées par les personnes concernées appellent des solutions locales». Le rapport souligne à ce sujet que les difficultés d’accès à certaines spécialités peuvent amener un changement d’attitude chez les patients. Il cite la région de Morteau, en Franche-Comté, où la rareté des pédiatres et des ophtalmos a conduit nombre de patients à se reporter sur des omnipraticiens. A propos de cette mauvaise répartition des professionnels de santé sur le territoire, le rapport constate d’abord que «les nombreuses mesures législatives ou conventionnelles mises en place sont insuffisamment connues des professionnels concernés», et qu’il conviendrait de les compléter «par des actions plus ciblées sur les conditions de vie». Tant il est vrai que «dans les territoires sous-équipés, où le sort professionnel du conjoint est incertain, et les conditions de scolarisation des enfants difficiles, les incitations financières montrent leurs limites».
Beaucoup de sorties.
Mais l’essentiel du rapport est consacré à «la délicate question de l’avenir de la médecine générale», avec pour illustration deux chiffres qui parlent d’eux-mêmes : à l’examen classant national (ECN), en fin de deuxième cycle des études médicales, le nombre de postes d’internes non pourvus en médecine générale a été de 609 en 2004, et de 980 en 2005. «Peu d’entrées donc, et beaucoup de sorties», note, un brin désabusé, le rapporteur, qui précise que par «sortie», on peut aussi bien entendre un départ à la retraite qu’un changement d’orientation professionnelle ou le passage à un exercice particulier.
Trois raisons sont avancées pour expliquer cette désaffection : tout d’abord, la méconnaissance du métier induite par l’organisation actuelle des parcours d’étudiants ; la pénibilité de l’exercice concernant des conditions de travail et les horaires ; et enfin le manque de perspectives et de possibilités d’évolution de carrière. Si bien que le rapport prévient du «risque de contradiction entre le rôle pivot accordé au généraliste par les politiques publiques et la désaffection dont pâtit aujourd’hui la médecine générale». Il craint que «le déclin numérique de la médecine générale ne malmène significativement les politiques actuelles d’amélioration de la permanence des soins ou les efforts de rééquilibrage démographique».
Le rapport propose donc que «les plans de santé définissent, au moment même de leur élaboration, les mesures démographiques d’accompagnement que dictent leurs préconisations».
Parmi les recommandations du rapport figure notamment celle d’inscrire «les décisions sur le numerus clausus et les quotas de formation dans des plans pluriannuels, et de les fonder sur les données démographiques nationales et régionales à présent disponibles».
Le ministre de la Santé, premier destinataire de ce rapport, n’a pas encore réagi officiellement à sa lecture.
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