LOCALES OU NATIONALES ? La question n'a plus lieu d'être, dès lors que le chef de l'Etat lui-même politise les élections municipales et s'y engage, et que, moins d'un an après le triomphe de la droite à la présidentielle, les Français auront sûrement leur mot à dire au sujet de la nouvelle gestion du pays. La gouvernance de M. Sarkozy est différente, pour ne pas dire unique, et, à ce titre, elle appelle une réponse politique. Comme, par ailleurs, il y aura dans le bilan de la majorité beaucoup de points négatifs, il ne faudra pas s'étonner de ce qu'une partie de l'électorat, peut-être la plus grande partie, se serve des municipales pour sanctionner nos gouvernants.
Sarkozy téméraire.
Le Premier ministre, et d'autres au sein de la majorité, dont le conseiller de M. Sarkozy, Claude Guéant, sont visiblement inquiets de la témérité (qu'ils jugent sans doute inutile) du président de la République ; ils tentent de recadrer les municipales dans la tradition : une consultation où la notoriété personnelle du candidat est plus importante que son étiquette politique. Fidèle à sa technique du blitzkrieg, le président s'efforce de donner aux municipales l'éclat et le glamour dont elles sont habituellement dépourvues. C'est ainsi que, lors du conseil national de l'UMP, samedi dernier, le principal orateur n'était autre que Tony Blair que, bien entendu, les socialistes n'ont ni songé ni eu envie d'inviter. Encore un coup dur porté par la droite : M. Blair n'a pas fait autre chose que célébrer le consensus des réformistes, d'où qu'ils viennent, et n'a pas caché non plus qu'il approuvait la politique économique et sociale de M. Sarkozy.
L'ouverture va donc jusqu'à l'étranger, mais elle est devenue aussi un mot d'ordre local, puisque, partout, l'UMP s'efforce, souvent à contrecoeur, d'obéir aux consignes de Paris et donc de puiser à gauche et au centre des candidats qui voudraient faire une partie du chemin avec la droite.
Sont-ce là des atouts majeurs capables de donner à l'UMP une nouvelle victoire ? Rien n'est moins sûr. D'abord, les socialistes ne manquent pas de figures de proue : Ségolène Royal continue à secouer le joug du parti et à apparaître comme un leader naturel de la gauche ; Bertrand Delanoë est accusé par Françoise de Panafieu de ne penser qu'à l'élection présidentielle de 2012, à laquelle sa réélection à Paris servirait effectivement de tremplin. Mais, d'une part, l'argument de Mme de Panafieu n'enlève rien à la popularité de M. Delanoë, auquel les Parisiens ont pardonné son échec pour les jeux Olympiques, mais qu'ils remercient pour le Vélib' et Paris-Plage. Et d'autre part, si M. Sarkozy lui-même estime qu'on doit jouer les municipales comme les législatives, la stratégie de M. Delanoë n'a rien de répréhensible. On n'a pas le sentiment en tout cas que la gauche va perdre Paris, ce qui fait de son maire actuel un solide candidat pour 2012 et par conséquent une menace très claire pour Ségolène Royal.
EST-IL TROP TOT POUR UN VOTE SANCTION?
Qu'en pensent les électeurs ?
Qu'on ne nous dise pas, dans ces conditions, que les municipales ne sont pas une consultation nationale.
Ce qui ne signifie pas pour autant que, au lendemain des municipales, le pouvoir devra changer de politique. Des deux cas de figure, une victoire, même mitigée, conforterait son programme ; mais une défaite ne le priverait nullement, comme M. Fillon l'a expliqué dimanche dernier, de sa majorité parlementaire et donc de la capacité de poursuivre les réformes.
En l'absence de sondages fréquents, il est difficile de décrire l'humeur de l'électorat. On peut admettre que la politique de M. Sarkozy a soulevé, à ce jour, pas mal de mécontentement et de frustration devant l'insuffisance des résultats. Les précédents ont souvent démontré que le parti au pouvoir perd des voix dans les rendez-vous électoraux qui suivent sa victoire. Il serait donc logique que la gauche l'emporte, d'autant qu'elle dispose de quelques bastions et peut en conquérir d'autres, comme à Bordeaux, où Alain Juppé, déjà battu aux législatives de 2007, risque son destin. Mais souvenez-vous que, à la fin de 2006, l'agonie du chiraquisme ne semblait donner aucune chance à la droite qui l'a néanmoins emporté en 2007.
Ce qui dessert la gauche, c'est son propre comportement, qui ne s'est guère amélioré depuis juin dernier : les batailles de personnes continuent à précéder et même à oblitérer le débat de fond, comme en témoignent la position inconfortable de Mme Royal, qui rappelle son score à la présidentielle pour souligner sa légitimité alors même que ses camarades lui parlent de sa défaite ; et la confusion qui règne au PS au sujet du traité européen simplifié : ils ne savent pas, aujourd'hui encore, s'ils doivent boycotter la réunion du Congrès à Versailles, ou y aller, ou voter oui, ou voter non. A force de tout faire pour préserver leur unité, les socialistes ne parviennent qu'à diviser leur mouvement, pourtant exsangue, comme s'ils trouvaient chaque jour un bon prétexte pour paraître pitoyables aux yeux de l'opinion.
Ils ne donnent pas envie de voter pour eux, même si beaucoup d'électeurs éprouvent le furieux désir de ramener Nicolas Sarkozy à un peu plus de discrétion et d'humilité. Le fond de l'affaire est relativement simple : la France doit-elle renier les idées qui ont porté M. Sarkozy au pouvoir ? Faut-il abandonner la réforme au milieu du gué ? N'est-il pas trop tôt pour sanctionner le gouvernement ? Beaucoup de Français voteront à droite en soupirant.
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