LE QUOTIDIEN - En quoi a consisté la Mission pour la célébration du centenaire de la loi de 1901, dont vous avez la charge ?
JEAN-MICHEL BELORGEY - J'en assure la présidence, à temps partiel et à titre bénévole, depuis un an et demi. Avec l'aide d'un comité d'orientation composé d'une quinzaine de personnes, parmi lesquelles Antoine Lazarus, professeur de santé publique, rompu à la vie associative au sein, entre autres, du Groupe des prisons et de Villes et Santé, nous avons revisité le parcours de la loi. Il s'agit d'un texte législatif au nom de la liberté d'association, qui, s'il n'avait pas été conçu en 1901, aurait été inventé un jour ou l'autre, inéluctablement.
Le 1er juillet 2001, une cérémonie se déroulera à l'Hôtel Matignon, en présence de dirigeants d'associations, d'élus et de parlementaires. Une convention sera signée avec la Conférence permanente des coordinations associatives, de manière à donner un cadre du bon usage de la loi, comme prévu lors des Assises de la vie associative, fin 1999. Le même jour, des marcheurs, porteurs de la loi, convergeront sur Paris.
Le 14 juillet, la garden-party du chef de l'Etat rassemblera, plus largement que de coutume, des associations. En fait, c'est toute la République qui commémorera l'événement. Le 25 juin, l'Assemblée nationale accueillera de grands témoins du monde associatif appartenant au cinq continents. Les 27 et 28, le Sénat ouvrira ses portes à une exposition et à des représentants de collectivités locales . Puis, le 29 juin, ce sera au tour du Conseil constitutionnel de célébrer, en présence de Jacques Chirac et de Lionel Jospin, la liberté d'association qu'il a portée, en 1971, au rang de liberté constitutionnelle.
Sanitaire et social : un quart des associations
Quel bilan faites-vous de ces 100 ans ?
Tout d'abord, je rappellerai que l'esprit de la loi a existé bien avant que le législateur s'empare du sujet. L'Association pour l'encouragement à l'industrie, constituée dès 1801, en témoigne, sans compter les nombreuses sociétés savantes s'occupant d'histoire régionale, d'archéologie ou de philharmonie qui ont proliféré tout au long du XIXe siècle. Aussi, la loi de juillet 1901 n'a eu pour effet majeur que de soustraire les associations de plus de 20 personnes aux autorisations de la police. Bien entendu, un cadre légal, comprenant, par exemple, l'observance du droit fiscal, définit les limites à ne pas franchir. Tous les mouvements qui ont cherché à y échapper, la vie s'est chargée de les éliminer, en ne retenant que le bon grain. Ainsi, avec l'Association pour la recherche sur le cancer (ARC), les autorités n'ont pas fait usage à temps des pouvoirs de contrôle administratif qu'elles détiennent. Il a fallu attendre que la Cour des comptes y mette bon ordre.
Qui a le plus recours à la liberté d'association ?
Actuellement, on a en stock plus d'un million d'associations relevant de la loi 1901, dont 700 000 à 800 000 sont toujours actives. En nombre d'organisations, la culture et les loisirs arrivent en tête avec 41 %, devant l'éducation et la recherche (25 %), le sanitaire et le social (23,3 %), la défense civique (6 %) et les regroupements professionnels (6 %). Si l'on tient compte du chiffre d'affaires, le sanitaire et le social, avec 48 %, occupent la 1re place, contre 24 % à l'éducation et à la recherche et 15 % à la culture et aux loisirs.
Aux limites des sectes
Comment expliquez-vous cette mainmise du monde associatif dans le secteur sanitaire et social ?
Le champ en question est vaste, et les établissements publics, comme les structures privées, n'y suffisent pas. Aujourd'hui, il n'est plus question de ne pas s'occuper de manière spécifique des personnes handicapées ou âgées, des enfants en difficulté, des sujets en perte d'autonomie ou présentant des troubles mentaux, autant de cas qui, dorénavant, relèvent majoritairement du milieu associatif.
Pour ma part, je gère notamment l'Association de santé mentale du 13e, à Paris, dotée d'un budget de 200 millions de francs.
L'actualité montre les sectes. Cela vous inquiète-t-il ?
La question que vous soulevez m'obsède. Je l'évoque dans mon ouvrage, « Cent ans de vie associative »**. Pour m'être personnellement intéressé au christianisme, au bouddhisme et à l'islam, je crois qu'il faut laisser à l'homme contemporain la possibilité d'épanouir sa spiritualité. En dehors des religions établies, des partis ou d'une pensée rationaliste, il doit pouvoir accéder à une recherche spirituelle, à une réflexion sur l'avenir de l'humanité. Or, nous constatons que dans des entreprises informatiques à la japonaise, dans des partis d'extrême gauche ou d'extrême droite, voire dans certaines franges de mon propre parti, où l'on détient une vision totalisante de la vie, cette liberté n'existe pas. Alors, comment savoir si un mouvement, quel qu'il soit, est suspect de dérive sectaire ? C'est très difficile. On risque, en voulant dénoncer une influence aux limites de la manipulation mentale, de l'embrigadement, de cogner là où il ne faut pas, ou bien de garder le silence quand on devrait s'emporter. Heureusement, il y a les juges pénaux ou administratifs qui disposent d'une technique dite de faisceaux d'indices s'inspirant du droit fiscal, de l'éducation, de la santé publique ou de la protection de l'enfance. Quand un médecin, par exemple, abuse de sa fonction dominante pour exercer une influence sur ses patients, en tant que relais d'une croyance contestable, cela se traite devant la juridiction ordinale. Evidemment, il faudra faire face, bien souvent, à des pressions. Dans tous les cas, ce qui, au-delà de l'Atlantique, serait présenté comme une chasse aux sorcières doit être utilisé ici avec modération.
* Jean-Michel Bélorgey, député PS de 1981 à 1993, est membre de la Ligue des droits de l'homme et du Conseil d'Etat.
** Presses de la Fondation des sciences politiques.
La vie associative plébiscitée
En France, la vie associative est plébiscitée par 84 % des Français (sondage CSA/Ernst & Young, septembre 2000). Les pouvoirs publics sont sur la même longueur d'onde. Les délégués départementaux à la vie associative, nommés et placés sous l'autorité préfectorale, et la Mission d'accueil et d'information à la vie associative, chargés de produire des outils méthodologiques et des guides, en sont l'expression. Dans un même esprit, une circulaire Voynet-Hascoët de septembre 2000 précise le rôle « de l'économie sociale et solidaire dans le processus de contractualisation territoriale », ce qui, implicitement, donne une place prépondérante au mouvement associatif.
Dans le domaine sportif, Marie-George Buffet, chargée d'une mission sur le bénévolat, a introduit dans le cadre de la loi sur le sport de juillet 2000 un dégrèvement de l'impôt au titre des frais engagés. D'une manière plus générale, le Fonds national de la vie associative participe au développement du bénévolat, caractéristique majeure du contrat associatif.
Enfin, le Premier ministre a signé, le 1er décembre dernier, une circulaire permettant de multiplier les conventions pluriannuelles entre l'Etat et les associations.
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