Edito

Folie bariatrique

Publié le 02/02/2018
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Le nombre de patients obèses ayant subi une chirurgie bariatrique a triplé en moins de 10 ans. Certes, les résultats de la technique sont spectaculaires tant sur la perte de poids que sur les comorbidités, et ce succès peut suffire à expliquer ce chiffre. Mais une fois l’euphorie passée, il faut raison garder et réaliser que la chirurgie bariatrique ne guérit pas l’obésité. Un patient à l’IMC trop élevé restera fragile, malade chronique. Même amaigri, débarrassé de son diabète ou de son hypertension, il devient dépendant d’un suivi médical strict pour le restant de ses jours.

Or, les premières études montrent que cinq ans après la chirurgie, la qualité du suivi peut être considérée comme satisfaisante chez seulement 12 % des patients. Assisterons-nous dans les années qui viennent à une épidémie de complications chez les patients opérés de leur obésité ? En prévision d’un possible raz-de-marée de carences nutritionnelles ou de complications neurologiques potentiellement graves, l’Académie de médecine a récemment publié un rapport pour remédier à l’insuffisance de suivi post-op des patients. Sur la foi notamment des résultats d’une enquête menée avec le concours des internautes du generaliste.fr, l’Académie suggère de s’appuyer sur la médecine générale pour identifier les perdus de vue, seule profession à même d’assurer cette vigilance. Une fonction que les médecins généralistes revendiquent, puisque 91 % des répondants affirment avoir déjà suivi des patients opérés et 84 % disent s’être informés sur le sujet.

Pour autant, même si les généralistes gardaient à l’œil tous les perdus de vue de la chirurgie, devrions-nous nous satisfaire de cette technique comme traitement de l’obésité ? à cet égard, la France fait figure d’exception. Elle comptabilise le taux européen de recours le plus élevé à cette chirurgie alors qu’avec ses 16 %, la prévalence de l’obésité y est inférieure à celle du Royaume-Uni, de l’Allemagne, de l’Espagne ou de l’Italie. Des pays peut-être plus prudents. La technique est grevée d’une mortalité non négligeable, modifiant l’anatomie de manière irréversible. Si des “AMM” étaient délivrées en chirurgie, cette technique obtiendrait-elle la sienne ? Il est urgent de poursuivre la recherche sur l’obésité…

Dr Linda Sitruk

Source : lequotidiendumedecin.fr