C'est un changement de cap mais pas une révolution. Finalement, l'idée de remplacer une obligation formelle de la FMC par une incitation forte était dans l'air du temps. Largement débattue au cours des discussions du groupe de travail FMC-qualité, elle avait ensuite été exprimée dans le rapport remis au ministre de la Santé, Jean-François Mattei, par le conseiller d'Etat Dominique Laurent qui le présidait. Et voilà « l'idée » désormais érigée en principe. La FMC sera incitative ou ne sera pas. Plus d'obligation, plus de sanctions, a annoncé le ministre de la Santé dans son interview au « Quotidien » (voir notre édition d'hier). Et c'est une bonne nouvelle pour tout le monde, ou presque.
Du côté des syndicats médicaux, on se réjouit de ce changement de mode.
« Mieux vaut la carotte que le bâton », pour le Dr Michel Chassang, président de la CSMF (Confédération des syndicats médicaux français). « Les médecins sont des gens responsables. Mieux vaut alors récompenser ceux qui font des efforts que punir ceux qui n'en font pas. Cela dit, le décret doit paraître très rapidement. Cette période transitoire n'a que trop duré. »
Le décret, soumis au Conseil d'Etat en février, devrait être publié au « Journal officiel » en avril, a encore précisé le ministre au « Quotidien ». Il mettra en place les trois conseils nationaux, chargés de définir les supports de FMC des médecins libéraux, hospitaliers et salariés.
Le Dr Elisabeth Rousselot-Marche, de l'UNOF, qui regroupe les médecins généralistes libéraux de la CSMF, a participé au groupe Laurent. « Souhaitons que les incitations soient suffisamment attractives. Il faut absolument que les médecins comprennent qu'ils doivent se former. Même si nous sommes contre l'obligation, il faut reconnaître que les médecins aujourd'hui restent peu motivés. Par ailleurs, on ne peut plus supporter le carcan de la formation conventionnelle, qui exclut les spécialistes et dont les programmes d'enseignement sont en partie élaborés par les caisses. »
Un retour en arrière ?
Seul déçu par ce qu'il ressent comme « un retour en arrière » : le Dr Guy Bigot, président de l'AFML, l'Association de formation des médecins libéraux, rattachée au SML (Syndicat des médecins libéraux). « Sans obligation, la FMC devient un peu une coquille vide. Rien ne va changer par rapport à aujourd'hui. » Il en vient même à émettre l'hypothèse que c'est le problème du financement qui est la cause de l'abandon du principe de l'obligation.
Sans défendre farouchement le principe d'une obligation légale et encore moins celui des sanctions, il avance la formule d'une « incitation forte allant vers une obligation morale », assortie d'une « communication vers les médecins sur la nécessité de la formation ».
Le Dr Bigot est partisan d'une FMC de proximité, au niveau régional, départemental, voire cantonal. En ouvrant le champ des modalités le plus large possible : des cours le soir ou le dimanche. « Je sais que de nombreux médecins sont partisans de ces horaires-là. »
Le Dr Marie-Hélène Certain, directeur général de MG-Form, se dit satisfaite, tout en restant prudente. « Il faut voir les modalités de ces incitations, au-delà des intentions politiques. »
Les associations de FMC se réjouissent également d'avoir été écoutées. « L'obligation nous a toujours semblé quelque chose de difficile à faire passer », se souvient le Dr Baumann, président fondateur de la SFTG (Société de formation thérapeutique du généraliste). La SFTG émet toutefois une réserve : « Il ne faudrait pas qu'incitation signifie défaussement et débouche sur une forme de formation médicale sauvage, de type publicitaire ou commercial. Si c'est une incitation à une obligation de qualité, c'est parfait .»
« Le paradoxe de l'obligation, souligne-t-il encore , c'est que la FMC des médecins revient à la remise en cause de leur propre pratique, et c'est extrêmement difficile. »
Jean-François Mattei préconise une « valorisation » de la FMC, qui séduit François Baumann. Le nouveau principe de l'incitation, qui doit remplacer celui de l'obligation, nécessite une modification législative, qui sera faite dans le cadre de la loi de santé publique en juin.
Oser la transparence
Le Dr Philippe Bonet, président de l'Union nationale des associations de formation médicale continue (UNAFORMEC), se dit « très heureux que le ministre nous ait entendus. Il va falloir oser la transparence et dire au grand public quels sont les médecins qui se forment. Il n'y aurait en effet aucune raison de garder cela opaque et attendre que ce soit les revues grand public qui diffusent des enquêtes empiriques sur la formation des médecins ».
« Aujourd'hui, ajoute le Dr Bonet , le médecin qui se forme le fait pour la gloire. Cela fait des années que j'entends des professionnels non médecins s'étonner du refus des médecins de financer leur FMC. Je leur réponds que nous, contrairement à eux, n'avons pas de plan de carrière ! D'où la démotivation, le désintéressement et les résistances au financement de nos collègues. Je demande officiellement aux syndicats de s'emparer du dossier et qu'ils fassent des propositions aux caisses et aux pouvoirs publics. Il va falloir que les incitations soient réelles. »
Le Dr Jean-Claude Régi, président de la FMF (Fédération des médecins de France), émet un regret. « Je n'étais pas contre une obligation parce que cela tire la profession vers le haut. Seulement, je regrette qu'on ne mette pas en place les moyens nécessaires. » On sait que pour le ministre de Santé la question de la FMC doit être réglée avant l'été. Y compris le problème du financement.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature