Les moyens de formation médicale continue (FMC) sont nombreux et variés : réunions, congrès, presse écrite et sites Internet, notamment. Des auteurs anglo-saxons ont montré que la FMC a un impact réel sur la prise en charge des patients lorsque la formation est interactive, c'est-à-dire lorsqu'elle laisse une large place à la participation effective des médecins, et quand une même formation est répétée.
Une formation interactive en petits groupes
En revanche, aucune étude n'avait encore été consacrée de manière spécifique aux conséquences d'une FMC sur la prise en charge de la douleur. C'est pourquoi l'étude e.Dol (éducation-douleur) a été réalisée afin d'évaluer l'impact d'une formation en médecine générale sur l'évolution de la douleur de patients souffrant d'arthrose des membres inférieurs. Il s'agissait d'une étude ouverte multicentrique, ambulatoire, randomisée portant sur deux groupes parallèles de généralistes, formés et non formés. La formation e.Dol, innovante, non académique, mise en uvre dans cette étude a été élaborée par un groupe d'experts multidisciplinaire. Elle a été délivrée sous forme interactive à des généralistes en petits groupes. Ceux-ci devaient en particulier s'approprier 10 recommandations élaborées à partir des données de la littérature et des documents de l'ANAES. Celles-ci ont été orientées selon trois axes : l'analyse et l'évaluation de la douleur, la prescription et enfin la négociation. Chaque recommandation a été abordée à partir d'une situation clinique concrète. Le dernier principe impliquait en particulier l'idée d'un partenariat thérapeutique entre le soignant et le patient.
Les médecins ont inclus des patients ambulatoires âgés de plus de 49 ans, ayant une gonarthrose ou une coxarthrose évoluant depuis plus de 6 mois et relevant d'un traitement par le paracétamol. Les sujets devaient avoir une douleur à la marche cotée à plus de 40 mm sur une échelle visuelle analogique. Ils ont été traités pendant deux semaines. Les médecins non formés se sont conformés à leur pratique habituelle et les médecins ayant participé à la formation ont suivi les recommandations, en particulier l'éducation des patients. Le critère principal de jugement de l'étude a été la somme des différences d'intensité douloureuse, celle-ci ayant fait l'objet d'une évaluation quotidienne à l'aide d'une échelle visuelle analogique.
Les 84 médecins ayant participé à la formation et les 96 généralistes non formés ont inclus respectivement 414 et 428 patients comparables à l'inclusion en termes d'atteinte, d'âge, de sexe et d'intensité de la douleur.
Une amélioration des indices fonctionnels
Le soulagement de la douleur a été significativement plus important dans le groupe des médecins formés que dans le groupe des médecins non formés (p < 0,0001). Le bénéfice de la formation des médecins a été également matérialisé par une amélioration plus importante des indices fonctionnels de Lequesne (p < 0,0001) et WOMAC (Western Ontario and McMaster Universities) (p < 0,0001). La posologie quotidienne dans le groupe « formé » a été de 3 400 mg/j contre 2 900mg/j dans le groupe non formé (p<0,0001). La prise en compte statistique de cette différence de posologie ne modifie en rien les résultats précédents.
De même, la satisfaction des patients a été meilleure lorsqu'ils avaient été pris en charge par des médecins formés à la prise en charge de la douleur.
Ainsi, ce travail démontre que la formation à la douleur, dans les conditions de l'étude e-Dol, induit un bénéfice pour le patient. Ce bénéfice est significatif tant pour le critère principal, la douleur, que pour l'incapacité fonctionnelle. Une telle formation devrait être proposée au plan national dans sa forme scientifiquement validée qui en fait toute son originalité. Elle pourrait être appliquée à d'autres pathologies douloureuses.
D'après un entretien avec le Pr Philippe Bertin, CHU Dupuytren, Limoges.
Etude e-Dol : dix principes
La formation délivrée aux médecins au cours de l'étude e-Dol a été élaborée par des experts. Ceux-ci ont formulé dix recommandations à partir des données de la littérature et des documents élaborés par l'ANAES. Les participants devaient se les approprier. Ces recommandations ont été les suivantes :
- je montre à mon patient que je crois à sa douleur ;
- je lui explique les mécanismes de la douleur et je le rassure sur les causes ;
- je précise avec lui le profil évolutif de sa douleur ;
- je lui demande de quantifier sa douleur avec les outils d'autoévaluation ;
- je lui demande de suivre et d'exprimer sa douleur à l'aide de ces outils d'autoévaluation ;
- je légitime le traitement symptomatique ;
- j'explique le choix du médicament, notamment le rapport efficacité/tolérance ;
- j'explique le mode de prise de ma prescription ;
- je m'assure que tout a été dit ;
- je fais passer l'idée d'un partenariat thérapeutique avec mon patient.
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