LE QUOTIDIEN
Au cours des 30 dernières années, les performances des sportifs ont énormément évolué. Comment l'expliquez-vous ?
FLORIAN ROUSSEAU
Nous avons toujours les mêmes rendez-vous sportifs : Jeux Olympiques, Championnats du monde, etc. Mais l'entraînement a changé : en fréquence, en quantité, en qualité. Les exercices imposés aux sportifs sont différents. Beaucoup de recherches ont été faites sur la performance. Je m'entraîne environ de 20 à 25 heures par semaine, deux fois par jour du lundi au vendredi, avec un jour de repos dans la semaine et j'ai environ 30 jours de compétition dans l'année. Ce qui n'est pas énorme. Au moment où mon entraîneur courait, il y a une trentaine d'années, il faisait plus de compétitions. J'en fais moins, mais l'entraînement est plus important.
Cibler les objectifs
Pourquoi participez-vous à moins de compétitions ?
J'ai personnellement décidé de m'entraîner, de cibler mes objectifs et d'arriver prêt sur les compétitions.
En quoi consistent les entraînements ?
Il y a les entraînements sur piste, très variés, un peu d'entraînement sur route et beaucoup de musculation, avec barres et haltères pour développer notre force maximale et acquérir plus de puissance sur le vélo. Les efforts sont très variés : on peut nous demander des efforts sur 60 mètres départ arrêté et jusqu'à des efforts sur 500 ou 600 mètres lancés. En temps, cela représente des efforts de trois secondes au plus court et de 45 secondes au plus long.
Vous avez commencé avec « le kilomètre » . N'est-ce pas l'épreuve la plus difficile dans votre discipline ?
C'est une épreuve qui marque énormément physiquement. C'est une minute d'effort intense, total. Le sportif donne tout ce qu'il a. L'organisme est marqué. La fatigue est intense, lorsque l'on descend du vélo : on est tétanisé. Il faut donc s'allonger. L'effort nous amène parfois jusqu'au vomissement. C'est douloureux. Parfois, on appréhende les compétitions, car on sait que cela va faire très mal aux jambes.
Comment récupérez-vous ?
Relativement vite, car on est entraîné. Toute l'année, nous faisons des efforts. Cinq minutes après la fin de l'épreuve, on peut discuter avec quelqu'un. On a retrouvé son souffle. Il faut en revanche trois ou quatre jours pour retrouver toutes ses capacités physiques pour réaliser le même effort dans les mêmes conditions.
Des progrès dans la récupération
Dans plusieurs disciplines, comme le rugby, les sportifs souffrent de l'augmentation des cadences. Est-ce également votre cas ?
Non, il y a environ trente jours de compétitions dans l'année, répartis de mai à fin novembre. C'est donc très étalé et très supportable. D'autant qu'en dehors des chutes, le vélo expose peu aux pathologies. Dans cette discipline, il n'y a pas de contact avec d'autres individus. Il n'y a donc pas de risques pour le corps de subir des chocs, comme au rugby par exemple. Les chocs supposant une récupération plus longue. Cependant, je pense que l'on est arrivé au maximum de l'entraînement. On ne peut pas s'entraîner davantage.
Avez-vous atteint les limites de la performance, dans votre discipline ?
Les progressions des chronos ou des performances seront moins importantes dans les années à venir que durant les trente dernières années. On s'entraîne beaucoup et, en quantité horaire, on ne peut pas faire plus. Le corps serait trop fatigué. Mais on peut progresser dans d'autres domaines, comme la récupération. Depuis deux ou trois ans, on parle beaucoup de préparation mentale dans le sport. Cela a permis à certains sportifs à franchir des paliers. C'est une piste.
Sans apports chimiques
Pensez-vous que l'on puisse améliorer ses performances sans apports chimiques ?
Je le pense, même si c'est facile à dire sans preuve. Cependant, j'en parle avec expérience : je sais qu'on est capable de faire des performances en respectant un entraînement très bien organisé et en ayant une hygiène de vie, notamment en faisant attention à sa santé. Le dopage a permis de faire évoluer les performances, c'est un fait. Mais on peut aussi réaliser des performances de très haut niveau sans apport chimique.
Par exemple en s'entraînant en altitude ?
La densité de l'air y est moins importante, donc sa pénétration est plus facile. Aller en altitude est un moyen de battre les records établis au niveau de la mer, au cours d'épreuves très courtes, comme les épreuves de sprint. Cela concerne en fait des efforts inférieurs à deux minutes. Pour des efforts plus longs, de type aérobie, on a besoin d'oxygène. Et là, l'altitude pose des problèmes.
La recherche sur le matériel n'a t-elle pas également contribué à, améliorer les chronos ?
C'est vrai que, depuis sept ou huit ans, on a fait beaucoup de progrès avec l'apparition des nouvelles technologies (carbone, Kevlar, etc.). On dispose de matériel très léger, très rigide, aérodynamique.
Bénéficiaires et victimes
Isabelle Queval, ancienne sportive de haut niveau et agrégée de philosophie, estime que nous sommes dans le siècle de la démesure (voir ci-contre). Qu'en pensez-vous ?
L'enjeu que l'on peut mettre autour de l'événement sportif est parfois démesuré. Il y a des abus, des excès dans tout ce qu'entraîne le sport : argent, dopage et tous les aspects commerciaux. Les sportifs en sont les bénéficiaires et les victimes.
Participez-vous à des recherches ?
Oui, cela m'est arrivé de faire des tests en laboratoires pour participer à la détection de sprinters, c'est-à-dire pour savoir si Untel ou Untel avait un potentiel pour accéder, plus tard, au haut niveau.
Etes-vous médicalement très suivi ?
Nous sommes soumis au suivi longitudinal. On a obligation, chaque année, de faire un bilan médical. Régulièrement, chaque médecin fédéral surveille que le sportif se porte bien, qu'il n'y a ni excès ni surentraînement.
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