U N procès phare doit reprendre demain à Pretoria (Afrique du Sud) : celui qui oppose les géants du marché pharmaceutique mondial au gouvernement sud-africain. Ce procès s'était ouvert le 5 mars dernier mais avait été ajourné au 18 avril, après trois jours d'audience. Le président du tribunal avait en effet estimé préférable de reporter le procès, compte tenu du fait qu'il admettait au débat une organisation non gouvernementale (ONG) sud-africaine, la Treatment Action Campaign (TAC), venue renforcer les rangs de la défense. Il fallait donc aux plaignants (les firmes pharmaceutiques) le temps de se retourner.
La Haute Cour de Pretoria va donc examiner, à partir de demain et jusqu'au 26 avril, la plainte de 39 sociétés pharmaceutiques contre une loi sud-africaine, promulguée en 1997, qui favorise l'accès à des médicaments à bas prix. Cette loi ouvre ainsi la voie à la production locale et à l'importation de copies de médicaments dont les prix sont évidemment très inférieurs à ceux pratiqués par les laboratoires qui commercialisent leurs médicaments brevetés. Cependant, cette loi n'est pas entrée en vigueur, bloquée, depuis 1998, par l'action en justice des firmes.
Les compagnies pharmaceutiques estiment que cette législation viole les règles commerciales mondiales et de propriété intellectuelle. Elles font également valoir qu'elle est contraire à la Constitution sud-africaine.
Les ONG en campagne
Bien que les laboratoires mettent en garde contre l'amalgame de deux problèmes, « celui de la propriété industrielle et du droit des brevets » et « celui, plus général, du SIDA dans les pays en voie de développement » (voir interview), l'ouverture du procès de Pretoria, dans le pays le plus touché au monde par le virus du SIDA (4,2 millions de séropositifs fin 1999, soit 10 % de la population), a choqué. Plusieurs ONG ont lancé une campagne mondiale pour faire abandonner la procédure par les compagnies pharmaceutiques sur le thème : « La vie avant les profits ». Médecins sans frontières (MSF), qui est de loin l'organisation humanitaire la plus présente dans la lutte pour donner aux pays du Sud un accès aux médicaments, notamment aux antirétroviraux, a demandé à l'industrie pharmaceutique de « cesser de bloquer l'accès aux médicaments en Afrique du Sud ». « Le gouvernement sud-africain a hérité de l'apartheid un système de santé coûteux pour les patients et essaie maintenant de répondre aux besoins de plus de 4 millions de personnes atteintes du SIDA (...) en dotant le ministère de la Santé des moyens nécessaires - et légaux - pour répondre à ce type de crise ».
De leur côté, les sociétés pharmaceutiques ne veulent pas devenir les boucs émissaires d'un gouvernement sud-africain qui, selon elles, a fait preuve jusqu'à présent d'un « manque d'engagement » dans la lutte contre le SIDA. Les laboratoires mettent en avant les bénéfices sanitaires qu'apportent leurs médicaments, et donc l'importance pour eux de pouvoir continuer à investir dans la recherche de nouvelles molécules.
Une étape décisive
« Grâce à l'implantation des génériqueurs et à la bataille internationale que livrent plusieurs organisations pour permettre aux pays en développement d'accéder aux traitements, nous avons franchi une étape importante et décisive dans la réduction des prix des médicaments antirétroviraux », se félicite le Dr Jean-Baptiste Guiard-Schmid, un des responsables du Mouvement des soignants pour l'égalité thérapeutique internationale face au SIDA (METIS). Selon lui, les accords qui sont intervenus entre les laboratoires et des pays en voie de développement « mettent les trithérapies en moyenne à 700 dollars par an » dans ces pays. « C'est au-dessus des possibilités de pas mal de patients, dit-il , mais cela ouvre l'accès au traitement pour ceux qui peuvent bénéficier d'une aide familiale ou de solidarité nationale. »« Nous devons continuer à maintenir la pression pour faire baisser les prix, préconise-t-il , mais il faut aussi multiplier les efforts pour monter des programmes d'accès aux soins dans tous ces pays. Il y a beaucoup de travail à faire en faveur du suivi de l'observance en Afrique subsaharienne. C'est le grand défi de demain ».
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