LES PHARMACIENS d'officine ont-ils un rôle à jouer dans l'amélioration de l'observance de leur traitement par les malades chroniques (1) ? Pour répondre à cette question, l'ODP (Observatoire de la pharmacie) a mené l'enquête en mars 2006 dans 234 officines. Interrogés sur les classes de médicaments pour lesquelles ils relèvent des défauts d'observance, les pharmaciens ont établi le classement suivant : les antihypertenseurs sont les premiers concernés, suivis par les hypolipémiants, les antidiabétiques, les analgésiques (l'asthme n'arrive qu'en huitième position). Comment se manifeste le mauvais suivi des traitements ? D'abord par des prises irrégulières (38 % des observations), puis par des modifications de posologie (33 % des cas), avec une augmentation des doses dans 14 % des observations. Viennent ensuite les abandons de traitement (27 %) et les erreurs et confusions de traitement (9 %).
Pour le pharmacien d'officine, le premier signe d'un défaut d'observance est l'incohérence entre le renouvellement thérapeutique du traitement et les besoins exprimés par le patient. «Cette incohérence, souligne l'ODP, est révélée, dans 42% des cas, par le discours spontané du patient sur ses “stocks” restants ou la consultation de l'historique de délivrance au patient par le pharmacien.» Quand le pharmacien interroge les patients, il se rend compte qu'ils suivent mal leurs traitements pour diverses raisons. Quatre fois sur dix, c'est le manque d'adhésion du patient au traitement qui est en cause. Vient ensuite, dans 18 % des cas, la difficulté éprouvée par le patient à suivre son traitement. Dans 18 % des cas, également, ce sont des erreurs, confusions, négligences diverses et mauvaises interprétations de la prescription qui conduisent le malade à se tromper. Arrivent enfin, pour respectivement 14 et 12 % des situations, les problèmes de tolérance et d'efficacité.
Une fois les carences constatées, que font les officinaux pour rectifier le tir ? Ils rappellent d'abord les bonnes posologies, répondent 62 % d'entre eux. Ils expliquent aussi très souvent (52 % des cas) les enjeux des traitements. Dans 16 % des situations, enfin, ils prennent contact avec le médecin traitant pour l'alerter.
L'ODP s'est intéressé à la contribution que pourraient apporter les pharmaciens à la prise en charge des patients chroniques. Interpellés sur leur propre « potentiel » dans ce domaine, les officinaux affichent des domaines de prédilection : les champs des antiasthmatiques, des antidiabétiques oraux, des anticoagulants et des hypolipémiants sont ceux où ils se sentent le plus à l'aise et le plus utiles. Bémol : les pharmaciens estiment majoritairement que leurs équipes n'ont pas aujourd'hui les compétences pour organiser le suivi des patients. Des formations sont donc nécessaires. Interrogés sur le temps qu'ils pourraient consacrer à une telle activité, les pharmaciens répondent de manière très hétérogène : certains estiment ne pas pouvoir suivre plus de vingt patients chroniques par mois quand d'autres se disent prêts à s'engager pour plus de deux cents patients par mois. En moyenne, les officinaux se disent disposés à suivre l'observance de 7,9 patients par jour et à consacrer à chacun 14 minutes.
Et en échange ? Pour la grande majorité des pharmaciens (68 %), leur contribution à la prise en charge des patients chroniques suppose une rémunération spécifique. La même proportion fait de «la maîtrise intelligente des dépenses de santé» l'un des « bénéfices » de l'opération. Pour 42 %, enfin, une telle implication de leur part assurerait une «valorisation de l'image de l'officine».
(1) Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), un malade chronique sur deux ne respecte pas son traitement dans les pays développés.
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