Même si Elisabeth Guigou et les proches de Lionel Jospin ne veulent pas dramatiser et cherchent même à minimiser l'événement, l'annulation par le Conseil constitutionnel de la disposition de la loi de financement de la Sécurité sociale 2002 qui faisait reposer, pour l'année 2000, les allégements de cotisations sociales liées aux 35 heures sur la Sécurité sociale, est un coup sévère porté au gouvernement.
Et surtout, a posteriori, le Conseil donne raison au patronat qui avait décidé de ne pas renouveler ses administrateurs lors du changement intervenu dans les conseils des caisses fin septembre. Le Medef n'avait pas hésité à dénoncer violemment « le racket de l'Etat sur la Sécu ».
Les patrons n'ont pas manqué de noter la censure des juges et de faire part de leur satisfaction, en réclamant même « une remise en chantier de la loi des 35 heures » et la mise en route d'une réforme de la Sécurité sociale « dans les meilleurs délais afin de clarifier les relations entre l'Etat et partenaires sociaux, ainsi que les missions de la Sécurité sociale et de son financement ».
Il est évident qu'ils ont peu de chances d'être entendus par le gouvernement. Mais le patronat, en cette occasion, n'a pas manqué de faire remarquer à l'opinion que les juges lui donnaient finalement raison. Ce que ne constater, et c'est de bonne guerre, les responsables de l'opposition, qui sont à l'origine du recours devant le Conseil constitutionnel.
« Il était indispensable, explique l'ancien ministre des Affaires sociales, Jacques Barrot, de censurer une manuvre qui aboutissait à entériner rétroactivement et presque clandestinement un détournement de 16 milliards de francs appartenant à la Sécurité sociale, pour financer la politique de réduction du temps de travail. »
La forme et le fond
Circonstance aggravante pour le gouvernement : un certain nombre de syndicats de salariés, comme Force Ouvrière ou la CGC se réjouissent aussi de la décision des magistrats. « Lorsqu'on monte des usines à gaz complexes et opaques pour camoufler des transferts entre les comptes de la Sécurité sociale et ceux de l'Etat, lorsque ces opérations se font sans concertation autre que de façade, avec les partenaires sociaux, explique en particulier la CGC, il ne faut pas s'étonner que le Conseil constitutionnel demande de remettre de l'ordre ».
Reste que le gouvernement, qui doit donc toujours 16 milliards de francs à la Sécurité sociale au titre des comptes de 2000, est contraint de trouver rapidement une solution pour assurer le financement de l'allégement des charges sociale dans le cadre de la réduction du temps de travail.
« C'est une décision de forme qui ne remet pas en cause le principe » du financement, explique le ministère de l'Economie et des Finances. Mais ce n'est pas aussi simple : le Conseil constitutionnel, dans ses arguments, explique que, si le législateur a, certes, la « faculté d'adopter des dispositions rétroactives (sauf en matière répressive) , il ne peut le faire qu'en considération d'un motif d'intérêt général suffisant ». Or, poursuit-il, la disparition d'un créance pour l'Etat, et « le souci de remédier aux difficultés financières » du fonds mis en placer pour le financement des 35 heures, « ne constitue pas un motif d'intérêt général suffisant pour remettre en cause rétroactivement les résultats d'un exercice clos ». C'est-à-dire celui du budget de la Sécurité sociale pour 2000.
En clair, le Conseil ne se contente pas de juger ce texte sur la forme, puisqu'il remet en cause la démarche même du gouvernement dans cette affaire.
D'où sans doute un certain embarras perceptible du côté des ministres concernés, même si l'on cherche à calmer le jeu et les esprits. L'un des proches de Lionel Jospin a même parlé de « tempête dans un verre d'eau », et le ministre chargé des relations avec le Parlement, Jean-Jacques Queyranne, explique que la décision du Conseil constitutionnel n'a pas d'impact sur le financement de la sécurité sociale et qu'en tout état de cause, « les dispositions censurées étaient de nature à être soumises ultérieurement au législateur ». Une information minimale que ne complète guère la déclaration de Jean-Marc Ayrault, président du groupe PS à l'Assemblée nationale. Il affirme qu'il « ne faut pas dramatiser » et que le « gouvernement trouvera bien la solution ». Quant à Vincent Peillon, porte-parole du PS, il affirme qu'on « va chercher dans les jours qui viennent une autre solution, mais qui existe du point de vue financier », tout en reconnaissant que la tâche n'est pas facile. C'est ce que l'on avait compris : la censure du Conseil constitutionnel sur ce point précis est un véritable casse-tête pour le gouvernement. Même si le ministre de l'Economie a une solution : faire annuler la dette de l'Etat envers la Sécurité sociale par une disposition dans le prochain projet de loi de la Sécurité sociale. Reste à savoir qui sera aux affaires l'automne prochain.
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