AMBIANCE CORDIALE pour le premier tour de piste des syndicats de médecins libéraux face au nouveau directeur général de la Caisse nationale d'assurance-maladie (Cnam) et ses plus proches collaborateurs, notamment le Pr Hubert Allemand, médecin-conseil national de la Cnam. En recevant la délégation de l'Alliance vendredi soir, Frédéric van Roekeghem a clos en effet une semaine de rencontres bilatérales avec les leaders syndicaux en vue des négociations très attendues sur la convention médicale. Mais, malgré la longueur de ces entretiens (environ 3 heures, voire 6 h 30 pour la Confédération des syndicats médicaux français - Csmf), il ne s'agissait que d'un simple « tour de chauffe » visant à repérer le terrain et entrer en scène sans dévoiler totalement ses batteries. Comme l'a rappelé le directeur de la Cnam et futur « patron » de l'Union nationale des caisses d'assurance-maladie (Uncam, instance de coordination entre les trois régimes), le signal de départ officiel des négociations conventionnelles ne pourra être donné qu' « après la mi-novembre », compte tenu de la mise en place progressive de la nouvelle gouvernance prévue par la réforme de la Sécu. D'ici là, le nouveau conseil de gestion de la Cnam se tiendra le 28 octobre, puis l'Uncam devrait réunir à son tour son conseil flambant neuf le 8 novembre avant de fixer, vers le 15 novembre, ses orientations pour les négociations conventionnelles.
Sur le fond, le Dr Michel Chassang, président de la Csmf croit savoir que les responsables de la Cnam « n'envisagent pas de signer une convention sans une revalorisation tarifaire pour tout le monde, généralistes et spécialistes », même si « personne n'a parlé de chiffres ». « On n'est pas rentrés dans les détails, on a parlé seulement d'orientations ; on dirait qu'ils nous testent », relate pour sa part le Dr Jean-Claude Régi, chef de file de la Fédération des médecins de France (FMF).
Vers un séminaire.
En ce qui concerne la méthode, il semble que l'idée d'un séminaire, permettant de négocier en continu pendant plusieurs jours, fait son chemin. C'est le leader du Syndicat des médecins libéraux (SML), Dinorino Cabrera, qui a le premier évoqué publiquement l'idée d'un « conclave » d'une dizaine de jours, indispensable selon lui pour conclure un texte conventionnel avant Noël et éviter « les surenchères et les réunions psychodrames » (souvent nocturnes) qu'ont vécues les syndicats médicaux pendant les longues et vaines négociations conventionnelles de 2002-2003. Le Dr Chassang est de même favorable à l'idée d' « un petit séminaire de deux ou trois jours ». Mais, prévient-il, cette idée de négocier sur plusieurs journées consécutives, « dans les mêmes conditions que la convention de 1993 », remonte à « plusieurs mois », lorsque Frédéric van Roekeghem discutait déjà avec les syndicats médicaux des suites de la réforme en tant que directeur de cabinet du ministre de la Santé.
A MG-France, Pierre Costes pense qu'il est « possible qu'on ait besoin d'un séminaire », mais ajoute aussitôt qu' « on ne saurait imaginer une négociation qui commence et finit à heure fixe ». « Il y a trop de modes opératoires à construire », poursuit-il, ne serait-ce que pour obtenir « une déclinaison opérationnelle de la rémunération de coordination », si celle-ci voit le jour à travers le dispositif du médecin traitant et les parcours de soins. Par conséquent, dans l'hypothèse où les négociations aboutissent favorablement, il faut s'attendre davantage à « un accord-cadre » plutôt qu'à un texte conventionnel prêt à l'emploi. Les accords de bon usage des soins (Acbus) peuvent « faire l'objet d'avenants successifs à la convention », confirme le Dr Cabrera. Le directeur de la Cnam a quant à lui précisé dans nos colonnes que la forme de l'accord « dépendra de son contenu, mais aussi des parties qui se joindront à l'accord » et comprendra de toute façon « des éléments horizontaux comme le médecin traitant ou le dossier médical » (« le Quotidien » du 20 octobre).
Cacophonie autour du médecin traitant.
A propos du médecin traitant et des parcours de soins, plat de résistance de ces négociations, les points de vue des différentes organisations sont loin de converger à ce jour. La Csmf défend l'idée d'un contrat de santé publique pour attribuer au médecin traitant une rémunération annuelle forfaitaire, financée en partie grâce à une redistribution de forfaits actuellement versés pour des tâches spécifiques, en particulier le protocole Pires (Protocole interrégimes d'examen spécial) et la consultation approfondie annuelle pour les personnes en affection de longue durée (Cald). MG-France se dit prêt à innover au sujet du médecin traitant (notamment en s'inspirant de son enquête en cours auprès des généralistes), mais Pierre Costes avertit qu'il est « hors de question de revenir en arrière sur les acquis » des généralistes, y compris l'option médecin référent. Le SML, lui, « refuse qu'on paye le médecin traitant pour son statut » et envisage plutôt des rémunérations adaptées à « un travail spécifique » (bilan de Pires, coordination pour un maintien à domicile, etc.).
Le Dr Cabrera considère que les nouveaux parcours de soins via le médecin traitant doivent permettre « d'anoblir la fonction de médecin consultant » des spécialistes dans le cadre de protocoles de soins. Au syndicat Alliance, on mise aussi beaucoup sur cette fonction de consultant, avec compte-rendu au généraliste ou spécialiste prescripteur pour revaloriser substantiellement les consultations spécialisées (C2, soit 40 euros aujourd'hui, contre un CS à 23 ou 25 euros). Le président de la FMF redoute au contraire au final « une marginalisation de la médecine spécialisée » par rapport au rôle pivot du médecin traitant.
D'un côté, la Csmf et le SML se montrent pressés de négocier et de conclure vite, dans la mesure du possible, au motif qu'il faut à la fois calmer les médecins libéraux (surtout les spécialistes) en leur redonnant un avenir, et concevoir vite les outils de maîtrise médicalisée pour avoir une chance de respecter l'objectif de dépenses fixé en 2005 (Ondam restreint à + 3,2 %). D'un autre côté, le président de MG-France fait remarquer qu'il y a urgence à redynamiser l'existant, à savoir les Acbus impliquant d'autres professions de santé (transporteurs sanitaires, biologistes, pharmaciens...) car la préparation d'une convention médicale « ne doit pas partir d'une table rase ». Le Dr Costes fait valoir que le médecin traitant sera « la cheville ouvrière de la coordination entre médecins comme de la coordination entre l'ensemble des acteurs de soins primaires ». Enfin, il souligne que les négociations conventionnelles iront plus loin seulement si d'autres instances que l'Uncam (Union des organismes complémentaires et Haute Autorité pour les protocoles de soins) ne restent pas virtuelles et apportent leur concours.
Jean-Claude Régi serait tenté aussi de freiner la cadence, mais pour d'autres raisons. « Avec l'Ondam à 3,2 % l'an prochain, on nous dit qu'il faut une convention opérationnelle tout de suite, note le président de la FMF. Mais cela revient à se mettre la corde au cou sans qu'on ait réglé les problèmes de fond ». Le Dr Régi pointe du doigt la permanence des soins ainsi que la Classification commune des actes médicaux (Ccam) technique. Il s'agit, rappelle-t-il, de « deux dossiers superimportants sur lesquels on voudrait savoir où l'on va ». Frédéric van Roekeghem a tout au plus précisé au « Quotidien » qu'il se donne « deux mois et demi », soit jusqu'à la fin de l'année, pour mesurer (grâce à un double codage et un réseau de médecins sentinelles) l'impact de la Ccam technique sur les spécialistes en fonction de leur profil d'activités.
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