C’était une promesse de François Hollande, le 21e de ses engagements pour la France présenté lors de sa campagne présidentielle en 2012.
Nourrie des réflexions qui jaillissent depuis 2012 (au gré de la commission Sicard, des affaires « Vincent Lambert » et « Nicolas Bonnemaison » et des débats citoyens organisés et synthétisés par le Comité consultatif national d’éthique), la proposition de loi « créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie », préparée par les députés Alain Claeys (PS) et Jean Leonetti (UMP) arrive ce mardi 10 mars dans l’Hémicycle.
La PPL constituée de 11 articles ouvre un droit à une « sédation profonde et continue » jusqu’à la mort pour deux profils de malades souffrant d’une maladie grave et incurable qui en feraient la demande. « Un traitement à visée sédative et antalgique provoquant une altération profonde et continue de la vigilance jusqu’au décès associé à l’arrêt de l’ensemble des traitements de maintien en vie » peut être administré, selon l’article 3, à la demande d’un patient atteint d’une affection grave et incurable, dont le pronostic vital est engagé à court terme, et qui présente une souffrance réfractaire au traitement ; et d’un patient, atteint d’une affection grave et incurable, pour lequel l’arrêt d’un traitement entraînerait son décès à très court terme. La décision d’arrêt des traitements est prise collégialement et peut être exécutée à l’hôpital, mais aussi au domicile du patient, comme l’a précisé la commission des affaires sociales en février.
La PPL rend les directives anticipées plus contraignantes pour le médecin (sauf en cas d’urgence vitale), illimitées dans le temps mais révisables et révocables à tout moment. Elles devraient être rédigées selon un cadre fixé en Conseil d’État et inscrites sur la carte Vitale. Le rôle de la personne de confiance est renforcé, son témoignage prévalant sur les autres.
Un compromis critiqué de toutes parts
Un premier débat public sans vote dans l’Hémicycle, mi-janvier, et l’examen de la PPL en commission des affaires sociale laissent présager des arguments qui pourraient être discutés. Si tous les députés s’accordent sur le constat de l’insuffisance des soins palliatifs et des inégalités des Français face à la fin de vie, les écologistes et une partie des socialistes souhaitent, dans le sillage de la PPL de Véronique Massonneau, légaliser l’euthanasie et le suicide assisté tandis que l’Entente parlementaire (l’aile conservatrice du groupe UMP) veut sanctuariser le statu quo, la loi Leonetti de 2005. Quelque 120 socialistes – dont Catherine Lemorton – ont déposé un amendement pour « une assistance médicalisée active à mourir ».
Ces prises de positions trouvent écho, dans la société civile, dans l’opposition frontale entre l’Association pour le droit à mourir dans la dignité (ADMD) et l’organisation « Soulager mais pas tuer »ou l’Alliance Vita.
La PPL UMP-PS devrait néanmoins être soutenue par la plupart des centristes, plusieurs socialistes et UMP, et le Front de Gauche.
« C’est un bon texte d’équilibre, s’il ne dérive pas par des amendements contraires à l’esprit des deux rapporteurs », a déclaré le président du groupe parlementaire UMP Christian Jacob, tandis que son homologue à l’UDI, Philippe Vigier y voit « un moyen d’aller plus loin pour une meilleure prise en charge des douleurs profondes et une meilleure acceptation de la fin de vie pour nos compatriotes ».
Veillée d’armes dans la presse
À l’orée du débat parlementaire, la presse se fait l’écho des prises de positions des opposants et des soutiens de la PPL. Plusieurs socialistes (Jean-Marc Ayrault, Elisabeth Guigou, Valérie Fourneyron, Gérard Bapat, Martine Pinville, Olivier Véran) ont signé une tribune dans « le Monde », reprise sur le blog de Michèle Delaunay, pour saluer le dépassement « et non le compromis » que représente la proposition de Jean Leonetti et Alain Claeys. Ils appellent aussi au développement des soins palliatifs, comme l’a promis François Hollande en annonçant un futur plan triennal en décembre.
Cinq dignitaires religieux représentant les 3 grands monothéismes publient, également dans le quotidien du soir, un appel « inquiet et pressant pour qu’une éventuelle nouvelle loi ne renonce en aucune façon à ce principe fondateur : toute vie humaine doit être respectée ». Ils dénoncent la tentation « de donner la mort, sans l’avouer, en abusant de la "sédation" ».
Le Figaro.fr relaie une tribune de la responsable de l’unité de soins palliatifs du centre hospitalier de Pont-Audemer, cosignée avec 175 autres médecins, pour dénoncer le risque d’isolement des patients que porterait la PPL Leonetti-Claeys tandis que Libération diffuse le plaidoyer d’un généraliste et d’un médecin de santé publique pour des soins palliatifs hors l’hôpital.
L’Académie nationale de médecine a enfin rappelé son opposition à la PPL qui, selon elle, entretient la confusion entre fin de vie et l’arrêt de vie (volontaire), conduisant à une « interprétation erronée, abusive ou tendancieuse du terme sédation ».
Un millier d’amendements ont été déposés. Ils devraient être examinés jusqu’à mercredi soir, 11 mars, avant un vote solennel le 17 mars.
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