Programme présidentiel de François Hollande, mesure n° 19 : « Je réformerai la tarification pour mettre fin à l’assimilation de l’hôpital avec les établissements privés. Je le considérerai comme un service public et non comme une entreprise. » Chose promise, chose… en cours puisque la ministre de la Santé l’a confirmé lors de sa visite au salon Hôpital expo, le 22 mai. Marisol Touraine a posé cette fin de la convergence tarifaire comme « un préalable à toute discussion sur l’avenir de l’hôpital », souhaitant « redonner ses lettres de noblesse à notre service public hospitalier dont le terme même devra être réintroduit dans la loi ». « Appliquer la même grille tarifaire aux secteurs public et privé n'a pas de sens car les missions et les patients sont différents, a-t-elle encore expliqué. Il est donc nécessaire de tenir compte des spécificités de chaque secteur. »
Convergence, comptes publics et concurrence
Un point de vue que la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP) est loin de partager, comme le justifie son président, Jean-Loup Durousset : « Nous ne sommes pas différents de l’hôpital public dans nos missions. » Surtout, il place le débat non pas sur le plan de la concurrence entre établissements mais sur celui des comptes sociaux : « La convergence tarifaire avait un intérêt commun, nous stimuler à baisser les coûts et à optimiser les soins. Il n’est pas choquant que l’assurance maladie cherche à dégager des économies. On n’échappera pas à la question de la restriction des ressources. » La FHP a d’ailleurs été reçue, à sa demande, par la ministre le 30 mai et a pu « parler de cette question, échanger. Nous avons été écoutés », note Jean-Loup Durousset.
Sans surprise, la Fédération hospitalière de France (FHF), représentant les établissements publics, ne voit pas les choses de la même manière, comme en témoigne Gérard Vincent, son délégué général : « Si l’on considère un groupe homogène de malades (GHM) choisi pour la convergence ciblée, comme les affections de la bouche, dans un hôpital public, il s’agit souvent de traiter un cancer de la bouche alors qu’en clinique privée, il correspond plutôt à une extraction de dents de sagesse. Les deux n’ont de toute évidence pas le même coût. Pour autant, on ne peut pas découper les tarifs à l’infini. » La fin de la convergence tarifaire augure donc, selon lui, une « concurrence plus juste ». Gérard Vincent ne cache pas son optimisme – « l’hôpital public est sur une pente dynamique, il gagne des parts de marché » – tout en affirmant : « On ne souhaite pas la mort des cliniques. Elles sont bonnes et nous poussent à être meilleurs. »
Thomas Renaud, économiste de la santé et consultant pour la société Tecsta, pointe lui aussi ce type de différences et ce, de manière très globale : « Le privé pratique davantage de chirurgie dans laquelle les protocoles, les plateaux techniques, les personnels nécessaires et les durées d’hospitalisation sont bien connus. Le secteur public fait davantage de médecine, plus difficile à valoriser : le temps humain est plus variable ; les comorbidités des patients et les complications plus aléatoires. » Il pointe aussi la précarité sociale des patients des établissements publics, parfois liée à l’implantation géographique des hôpitaux. Des arguments et des données biens connues que Jean-Loup Durousset ne nie pas mais qu’il préférerait voir pris en compte dans de nouvelles missions sociales de l’hôpital public.
Une politique tarifaire très… politique
Mais la question de la convergence tarifaire conduit à celle, plus générale, de la fixation des tarifs du Programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI), lequel correspond parfois davantage à une stratégie, une politique, qu’à une réalité économique. On pense aux tarifs de chirurgie ambulatoire qui sont volontairement incitatifs pour encourager cette pratique sans refléter le coût économique réel de cette prise en charge.
Tout est une question de point de vue. Ainsi, selon un rapport de la Cour des comptes, en septembre 2011, l’alignement du tarif public sur celui du secteur privé, « induirait […] une perte de recette annuelle supérieure à 7 milliards d’euros » pour les établissements publics. Une somme perçue par la FHP comme une « économie de 7 milliards d’euros pour l’assurance maladie ». Mais, au final, pour Thomas Renaud, le secteur privé « n’a pas à se sentir floué. Cette nouvelle donne va l’amener à s’hyperspécialiser, à laisser la médecine et les chirurgies les moins rémunératrices à l’hôpital public pour se concentrer sur les GHM plus homogènes et les actes les mieux standardisés ». La fin de la convergence tarifaire entraînerait donc la fin de la convergence d’activités. Logique certes mais cela implique que le gouvernement ne déconnecte pas cette question de celle de l’offre de soins.
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