ENTAMÉE EN 2004, l’élaboration des schémas régionaux d’organisation sanitaire s’achève. Les Sros, troisièmes du nom, doivent être publiés par leurs pilotes – les directeurs des 22 agences régionales de l’hospitalisation (ARH) – dans exactement 22 jours. Rénovés sur la forme et sur le fond par le plan Hôpital 2007 (voir encadré page 4), ils sont annoncés de longue date comme «plus démocratiques» et «plus restructurants» que leurs éditions précédentes (1). Vont-ils tenir ces promesses ? Inégalement, semble-t-il.
En matière de restructuration, les outils sont là, en tout cas, qui donnent les moyens aux nouveaux Sros de frapper fort. En efficience, puisque les objectifs affichés par les schémas sont quantifiés en volume d’activité (et non plus en nombre de lits) et que la réglementation les rend opposables aux établissements, ce qui n’était pas le cas auparavant. En pertinence aussi, puisque la tarification à l’activité (T2A) aidant, les bases de données sur lesquelles s’appuient les planificateurs sont de plus en plus précises. S’ajoute à cela le fait que, au bout de trois Sros, l’exercice « se professionnalise », ainsi que le note le Dr François Aubart, qui siège au Comité régional d’organisation sanitaire (Cros) d’Ile-de-France.
Autant de gymnastiques que de régions.
Reste que, déconcentrée, la réorganisation du paysage sanitaire ne se fait pas de manière uniforme sur le territoire. La simple définition des « objectifs quantifiés » a donné lieu à toutes sortes de gymnastiques : «Ici, ils n’ont pas encore été communiqués avec une méthodologie explicative; là, ils l’ont été, mais c’est incompréhensible; là encore, ils sont très professionnellement établis», remarque-t-on à la Fédération hospitalière de France (FHF).
Quant au niveau de restructuration arrêté pour chaque région, il est bien entendu en grande partie fonction de l’existant. Si les Sros précédents ont été très restructurants, leur édition 2006 poursuit sans révolution l’oeuvre engagée. Hors quelques sujets qui fâchent, c’est ce qui se passe par exemple dans les Pays de la Loire. A l’inverse, quand beaucoup reste à bâtir, comme en Poitou-Charentes (voir ci-dessous), l’opération est extrêmement délicate. L’abandon via la T2A de la péréquation interrégionale des crédits hospitaliers (pour rééquilibrer l’offre de soins sur le territoire, l’Etat donnait plus aux régions sanitairement pauvres et moins aux régions sanitairement riches) corse l’affaire : dans les régions jusqu’à présent bénéficiaires de cette péréquation, les Sros 3 vont être forcément plus difficiles à avaler qu’ailleurs. Le Nord - Pas-de-Calais, où les conférences sanitaires de territoire viennent de rejeter le projet de schéma (« le Quotidien » du 7 mars), et, une nouvelle fois, le Poitou-Charentes, sont dans ce cas de figure.
Des projets tombés du ciel ?
La démocratie sanitaire qui devait présider à l’élaboration des Sros 3, via, entre autres, les nouvelles conférences sanitaires de territoire, n’a pas convaincu tout le monde. Car si, ici ou là, les élus et les usagers ont été largement consultés comme le prônait le ministère de la Santé – leur implication aurait été «prononcée» en Pays de la Loire, par exemple, note un observateur –, cela n’a pas été le cas partout. Mis à part quelques tentatives de partenariat isolées, «les conseils régionaux ont été très peu associés» à l’opération, constate pour sa part François Langlois, le délégué général de l’Association des régions de France (ARF). Les professionnels de santé eux-mêmes conservent souvent l’impression que les conclusions des Sros vont tomber du ciel, sans qu’ils aient activement participé à leur élaboration. Les médecins libéraux, en particulier, touchés de près par le chapitre « permanence des soins » de ces Sros 3, restent sur leur faim. «Notre sollicitation a été très inégale, résume le Dr Pierre Monod, qui préside la conférence des unions régionales des médecins libéraux (Urml). Tout a dépendu du bon vouloir des ARH. Quand on nous convoque in extremis un lundi après-midi, par exemple, évidemment, la concertation est difficile... D’un point de vue général, je trouve que l’on peut mieux faire.»
Plus dur est le jugement de certains syndicats de personnels hospitaliers : «Nous sommes exclus du dispositif d’élaboration des Sros. Les ARH nous convient à quelques réunions d’information et, puisque nous siégeons dans les CROS [qui rendent un simple avis sur les schémas, ndlr] ,nous serons consultés une fois que tout sera bien ficelé. On a vraiment l’impression de courir après ces schémas», regrette amèrement Nadine Prigent, la secrétaire générale de la fédération santé de la CGT.
Insuffisamment activées, les ficelles de la démocratie sanitaires ne vont pas prémunir cette troisième campagne de Sros, c’est d’ores et déjà certain, des habituels mouvements de protestation des hôpitaux, des maires... s’estimant floués par telle ou telle décision. D’autant que, après la périnatalité dans les Sros 2, c’est cette fois-ci l’activité chirurgicale qui est en ligne de mire, la fermeture de quelque 120 plateaux techniques étant programmée.
(1) Les Sros 1 ont organisé l’offre de soins pour les années 1994-1999, les Sros 2 pour la période 1999-2004.
Des schémas mutants
Dans leur architecture, les Sros 2 ressemblaient aux Sros 1. Sous l’impulsion du plan Hôpital 2007, la troisième génération des schémas régionaux d’organisation sanitaire, elle, est une mutante.
Point central de la singularité des Sros 3 : ils – ou du moins leurs annexes – sont opposables. Cela signifie que les hôpitaux et les cliniques vont être financièrement comptables des objectifs (déclinés dans leurs contrats d’objectifs et de moyens) arrêtés pour chacun. Qu’ils les dépassent et il faudra rembourser (dans la limite de 2 % des recettes perçues par les établissements). Autre nouveauté : à l’heure de la T2A (tarification à l’activité), les objectifs des Sros sont fixés en termes de volume d’activité (une fourchette déterminera le nombre d’accouchements, d’interventions chirurgicales... à réaliser par établissement).
Les Sros 3 entérinent, par ailleurs, la disparition de la carte sanitaire et, donc, celle des secteurs sanitaires remplacés par des « territoires de santé » aux frontières plus mouvantes.
Ils comprennent tous, c’est obligatoire, seize volets (1) pour lesquelles ils organisent, chaque fois que c’est possible, une offre de soins graduée, sur le modèle de ce qui a été fait pour les maternités (niveaux I, II et III).
>>>>>>>(1) La médecine, la chirurgie, la périnatalité, les soins de suite, la rééducation et la réadaptation fonctionnelle, l’hospitalisation à domicile, les urgences et leur articulation avec la permanence des soins, la réanimation, les soins intensifs et les soins continus, l’imagerie médicale, les techniques interventionnelles utilisant l’imagerie médicale, l’insuffisance rénale chronique, la psychiatrie et la santé mentale, les personnes âgées, les enfants et les adolescents, le cancer, les soins palliatifs, la prise en charge des patients cérébro-lésés et traumatisés médullaires.
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