L'origine virale de la fièvre épidémique hémorragique et le rôle des rongeurs comme réservoirs ont été suspectés dans les années quarante par des équipes soviétiques et japonaises. Ce n'est qu'en 1976 que le virus a été identifié à partir des poumons d'un rongeur capturé près de la rivière Hantan en Corée (1). Douze Hantavirus ont été identifiés à travers le monde : quatre virus responsables de fièvre hémorragique avec syndrome rénal (FHSR) chez l'homme (en Asie, le virus Hantaan et le virus Séoul ; en Europe, le virus Puumala ; dans la péninsule des Balkans, le virus Dobrava) et huit Hantavirus isolés sur le continent américain, qui ne provoquent pas une fièvre hémorragique avec syndrome rénal (FHSR), mais une forme clinique à tropisme pulmonaire appelé syndrome pulmonaire (HPS).
La sévérité des hantaviroses dépend du virus en cause : le virus Hantaan est responsable d'une forme sévère de FHSR avec un taux de mortalité de l'ordre de 5 % alors que les virus Seoul, Puumala et Dobrava sont responsables de formes mineures à modérées dont la mortalité est très faible.
Les rongeurs, hôtes naturels
Les rongeurs sont les hôtes naturels des Hantavirus qui provoquent chez ces animaux une infection chronique persistante sans signes cliniques apparents, au cours de laquelle de grandes quantités de virus sont excrétés dans la salive, l'urine ou les fèces.
L'homme se contamine à partir des excrétats des animaux infectés, le plus souvent par voie respiratoire. La contamination principale est liée à la manipulation de bois ou à des activités de nettoyage de locaux par l'intermédiaire de poussières contaminées.
Les épidémies surviennent par cycles pluriannuels, avec d'importantes variations saisonnières déterminées, en partie par la dynamique des populations de rongeurs.
Quatre poussées épidémiques en France
En France, la fièvre hémorragique avec syndrome rénal a été confirmée sérologiquement pour la première fois en 1982. Depuis, plus d'un millier de cas ont été identifiés.
Les cycles épidémiques chez l'homme suivent la dynamique des populations des campagnols roussâtres qui sont les réservoirs de virus Puumala.
Quatre poussées épidémiques ont été répertoriées : en 1990 (85 cas), 1993 (157 cas), 1996 (211 cas) et 1999 (118 cas).
La plupart des infections sont survenues dans le quart nord-est de la France, avec un foyer épidémique important dans le massif forestier des Ardennes.
Au plan clinique, après une phase d'incubation de durée variable (de une semaine à deux à trois mois), la FHSR due au Puumala se manifeste par un début brutal sans prodromes.
Dans sa forme typique, la maladie évolue en cinq phases successives :
- une phase fébrile de quelques jours avec frissons, céphalées, myalgies, douleurs dorsales et abdominales, troubles visuels... ;
- une phase hypotensive assez brève de quelques heures à trois jours, marquée par des signes hémorragiques modérés (à la différence de la FHSR due au virus Hantaan au cours de laquelle la phase hypotensive est marquée par un syndrome hémorragique majeur et une thrombopénie importante) ;
- une phase oligurique et hypertensive, avec protéinurie élevée, hématurie, créatininémie et azotémie élevées. Elle est de courte durée et ne nécessite une dialyse que dans moins de 1 % des cas. Dans 20 à 30 % des cas, elle peut s'accompagner d'une atteinte respiratoire (toux, dyspnée, douleurs thoraciques associées ou non à des anomalies radiologiques à type d'dème ou de pneumopathie) ;
- une phase polyurique avec diurèse de 3 à 6 litres ;
- une phase de convalescence et de récupération sans séquelles.
Au plan biologique, la thrombopénie est habituelle mais le plus souvent modérée, l'atteinte rénale est constante (protéinurie, hématurie, augmentation de la créatininémie et de l'azotémie), même si elle est parfois très modérée.
A côté de ce tableau clinique typique, le plus fréquent, il existe des formes frustes limitées à un syndrome algique fébrile ou à des myalgies sans fièvre et parfois des formes sévères avec hémorragies importantes, choc hypovolémique et atteinte pulmonaire au premier plan.
Diagnostic sérologique
Le diagnostic est essentiellement sérologique : les anticorps IgM sont détectés durant la première semaine suivant l'apparition des symptômes et persistent plusieurs mois. Les IgG sont au maximum deux semaines après le début des symptômes et persistent toute la vie.
La recherche en parallèle d'IgM et d'IgG par technique ELISA est nécessaire pour confirmer le diagnostic.
Quant au traitement, il est aujourd'hui uniquement symptomatique.
L'épidémie de 1999
En 1999, 118 cas confirmés ont été répertoriés en France ; la plupart sont survenus entre mars et août, comme lors des flambées de 1993 et 1996.
L'âge médian des patients était 37 ans, avec des extrêmes de 15 à 84 ; le sexe ratio H/F était 4/1 ; 68 % des patients ont été hospitalisés, aucun n'a été dialysé, il n'y a pas eu de décès.
Les trois foyers de FHSR étaient situés dans le nord-est de la France : Ardennes, Nord et Jura ; 36 % des cas confirmés venaient du foyer ardennais, 18 % de la région Ile-de France.
Chez ces patients, le mode de contamination a été l'inhalation de poussières lors de manipulation de bois et au cours de travaux dans des locaux comme des greniers ou des caves.
En 2000, 67 cas confirmés, 9 cas douteux (IgM + sans IgG)ont été répertoriés ; 27 % des patients venaient de Champagne-Ardenne, 6 % de Lorraine, 10 % de Picardie, 19 % de Franche-Comté, 13 % d'Ile-de-France.
Au total, tous les cas de fièvre hémorragique diagnostiqués en France sont dus au virus Puumala. Dans la majorité des cas, l'évolution est favorable, habituellement sans séquelles, et à ce jour il n'y a eu aucun décès.
43e Journées de biologie clinique.
Communications de Bernadette Murgue et Hervé Zeller (Centre national de références des arbovirus et des fièvres hémorragiques virales, Institut Pasteur, Paris).
1) Lee H. W, Lee P. W., Korean hemorrhagic fever ; Demonstration of causative antigen and antibodies. « Korean J Intern » ; (1976) 371-383.
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